Consigne : Chercher comment écrire le silence ou en rendre compte par écrit
Contrainte : Interdiction de ne pas écrire
Objectif : Se questionner sur les formes de l’indicible prises dans l’écriture
Avant propos
CONSIDÉRATIONS GENERALES
Il est clair que le silence ne peut que se rompre quand on en parle. Il est extrêmement compliqué d’en rendre compte et de le symboliser dans l’écriture. Il fait partie des secrets de l’expression et se classe du côté de l’indicible. Pour cela, il attire la curiosité. Il devient objet de transgression sans arrêt expérimenté. Cf Barthes Le degré zéro de l’écriture « La modernité commence avec la recherche d’une littérature impossible »
Nous allons voir à travers quelques exemples et pour donner des idées, les moyens d’expression du silence et leur sens.
ECRIRE LE SILENCE : EXEMPLES
• RENDRE LA PAROLE INUTILE
Chez Beckett, le silence est ce qui permet de préserver le sens. Chaque parole prononcée est donc une profanation de ce silence éloquent jugé sacré. Jeu des paradoxe de Beckett qui affirme qu’on ne voit jamais aussi bien que dans le noir. De la même façon, on ne dit jamais aussi bien que dans le silence. Défi de Beckett est donc de représenter le silence sans le briser ce qui constitue une contrainte importante. Il faut trouver une parole qui garde le silence.
Cf Blanchot dans L’arrêt de mort (1948) « Il faut que ceci soit entendu : je n’ai rien raconté d’extraordinaire ni de surprenant. L’extraordinaire commence là où je m’arrête. Mais je ne suis plus maître d’en parler » -le merveilleux, l’extraordinaire ne peut être exprimer par le langage -le silence est garant de l’extraordinaire -par conséquent, toute parole humaine est inutile
=> Paradoxe : les mots en général sont vains donc on ne peut espérer d’eux qu’il expriment le silence et le tenter serait vu comme une tentative cupide voire profane
• PORTER LA PAROLE A SES LIMITES
Utiliser le silence c’est mettre le langage en face de ses propres limites DELEUZE « Lorsque la langue est si tendue qu’elle se met à bégayer, tout le langage atteint à la limite se confronte au silence » → Donc expression du silence sur la langue par le bégaiement, le murmure, l’hésitation.
• LES POINTS DE SUSPENSION
Cf BECKETT Cap au Pire « Oui. Dire oui […] Jusqu’à non. Jusqu’à dire non. Non. Dire non […] Jusqu’à oui. Jusqu’à dire oui. » -Points de suspension Utiliser le silence comme éloquence consiste à fabriquer un espace d’expression de subjectivité car c’est précisément parce que les mots ne limitent pas que les interprétations et les ressentis de chacun vont pouvoir s’exprimer. L’emploi des petits points suscite donc la stimulation d’une subjectivité et la collaboration du lecteur dans sa volonté d’y entendre ce qui doit être entendu. On a donc plusieurs messages dans ces points de suspension : le message guidé par l’écriture et les autres sens surgissant de la subjectivité du lecteur sur lesquels aucun contrôle n’est possible. -Langue portée à ces limites avec parallélismes, non-sens, répétitions
• UTILISER LES GESTES ET L’EXPRESSION CORPORELLE POUR RENDRE LE SILENCE ELOQUENT ET PALPABLE
Philippe Grimbert = Un secret (2004) qui a reçu prix Goncourt des lycéens en 2004 et Grand prix littéraire Wizo en 2005 De même que Beckett, pour lui les mots mentent et trompent. Ils pallient à cela par l’attention particulière portée aux gestes avec l’écriture de scène entière où règne un silence complet pourtant pallié par des gestes éloquent.
« Maxime ne peut détacher ses yeux de la ligne de ces épaules, de cette taille, de ces jambes ciselées. Hannah applaudit avant de chercher le regard complice de Maxime. Elle n’y voit que Tania. Elle connaît suffisamment son mari pour y lire un désir fou, une fascination qu’il ne songe même pas à dissimuler. Jamais il ne l’a regardée ainsi. Elle se tourne vers Esther et Georges : tous ces yeux brillant pour Tania de la même ferveur. Elle ne trouve de soutien que dans le regard de Louis, qui a compris et tente de la rassurer d’un sourire »
• SIGNIFIER LE SILENCE PAR L’ESPACE SUR PAGE
cf Le silence ardent de Serge Nunez Tolin
cf Silence de Eugen Gomringer