Ateliers du 07 Décembre « écrire le bruit »

(Consignes d’écriture en bas de page)

Introduction

La première définition du bruit que l’on trouve sur internet est celle de Wikipedia ; « le bruit est un son jugé indésirable ». Du côté du dictionnaire Larousse on trouvera plutôt ce genre de définition ; « Son produit par des vibrations ; mélange confus de sons : bruits de pas; faire trop de bruit. ». Si l’on multiplie les sources, on se rend compte très vite que l’on confère à ce mot une multitude d’acceptions différentes, selon la façon dont il est employé, selon le milieu dans lequel il est utilisé etc.

En musique par exemple, le mot « bruit » est porteur de différents niveaux de sens, tout comme en littérature. Au sens propre on parlera d’une « musique dénuée de signification artistique »1. On admettra aussi qu’il peut s’agir d’un phénomène naturel: « bruits de la nature (murmure des eaux, roulement du tonnerre, chant des animaux, etc.) » ou encore « d’un phénomène sonore au mouvement vibratoire irrégulier et qui atteint une intensité sonore excessive ». En littérature, au sens figuré on pourra voir en ce mot la définition d’une rumeur, d’un vague propos qui circule d’oreille en oreille pour créer l’événement, marquer les esprits. « Faire du bruit ».

Le véritable sens du mot « bruit » se situe peut-être alors caché entre ces différentes acceptions. Toutes véhiculent l’idée de quelque chose d’insaisissable, d’impénétrable, d’indésirable aussi, d’une émotion brute, trop forte, d’un sentiment véhiculé par les foules, d’une note qui sort de la bouche pour parcourir le monde, se faire entendre sans pour autant toujours se faire comprendre. C’est alors que le mot « bruit » explose et prend un sens différent pour chaque personne qui l’entend ; simple son incohérent, expression naturelle du corps, rumeur lancinante. Une chose est sûre, le bruit s’approprie, c’est à vous de le faire vivre, de lui donner ou non un sens, de lui donner sa chance d’être perçu par les oreilles et les esprits.

La pollution sonore

De nos jours, on parle beaucoup de pollution sonore. Selon Futura science, sa définition est la suivante ; « Lorsque les nuisances sonores provoquées par les activités humaines (carrière, transport, etc.) dépassent les seuils d’innocuité vis-à-vis de l’acuité auditive de la santé et des écosystèmes, on parle de pollution sonore. Le bruit provoque en effet une gêne et un stress qui perturbent l’organisme, humain ou animal. Chez l’homme, cela peut entraîner des problèmes d’irritabilité, d’insomnie et de dépression.[…]Cette pollution physique a tout de même l’avantage de ne pas perdurer dans l’environnement. Une fois que la source de bruit est éliminée, il n’y a plus de nouveaux effets. » 2
Mais qu’en est-il des autres bruits ? Ceux qui ont des conséquences similaires, voir plus néfastes et qui perdurent dans notre environnement, dans nos sphères privées, sans pouvoir en éliminer la source ?

Écrire quelque chose, c’est déjà faire du bruit ; dans l’esprit du lecteur c’est créer une succession de sons engendrés par nos mots puis dans le monde en général lorsque le texte est reconnu, publié, traduit etc.
D’autre part, dans notre monde numérique, tout s’écrit ; les textos, les mails, les sentiments etc. et ce bruit s’ajoute à celui qui se quantifie déjà en décibel. Il s’agit d’un bruit plus profond, permanent, celui qui assaillit nos esprits lorsque nous lisons sur nos écrans, sur les affiches, sur les produits dans les supermarchés mais également celui de nos propres pensées, de nos angoisses, de nos désirs.

La question du bruit est riche, elle dépasse le champ anthropologique littéraire pour concevoir différemment le rapport de la langue à sa matérialité, à sa musique, à ses heurts. Christopher Lucken et Juan Rigoli, chercheurs en littérature, dans l’article « Penser le bruit » s’intéressent tout particulièrement au travail de transformation du bruit dans la création littéraire. Il s’agit également de nuancer l’idée qui veut que l’on attribue aux temps du passé un silence naturel en opposition aux bruits industriels d’aujourd’hui. Depuis le Moyen Âge, les textes vivent oralement. La Renaissance, elle, use du bruit comme « une ressource pathétique, épique, dramatique ». (ex épisode du dégel à la fin du Quart Livre de Rabelais où la longue énumération de phonèmes donne lieu à une reconstruction progressive du langage. p.487 et 493) Il faut donc penser le bruit comme un phénomène qui traverse les codes et les époques.

Au sein de l’ouvrage de Lucken et Rigoli, plusieurs articles s’intéressent à « ce qui dans la langue elle-même, échappe à l’harmonie des grammaires, aux injonctions théoriques de signification. En réalité bredouillements balbutiements et bégaiements peuplent la langue française, depuis la poésie médiévale jusqu’au théâtre moderne et donnent naissance à des codes d’écriture qui ont pour ambition de faire entendre les heurts du langage. »

Pour Juan Rigoli la notion de bruit se situerait à la croisée d’un art de l’écoute et d’un art de l’écriture.

J.Cerquiglini-Toulet, spécialiste de la littérature française de la fin du Moyen Âge, dans l’article « Interjections ! » se penche sur les problèmes posés par l’interjection. Il s’avère que cette dernière fréquente les frontières du langage, donc elle « brise, fracasse le discours et constitue une manifestation bruyante de la langue ». Cependant, elle constitue également une interaction, une mise en relation avec le monde. Elle cite pour illustrer son propos l’exemple d’un homme qui s’adresse à sa bête par le biais d’interjections pour la faire avancer. Le message est compris par cette dernière, l’interjection insinue donc bien une forme de communication.

Alexis Nouss, lui, s’intéresse aux significations particulières que revêt le bruit dans la langue lorsqu’il est « au contact de certaines « configurations historiques ». Dans la guerre les « langues sont blessées, mutilées, bruitalisées ». Selon Nouss « la voix a fonction d’interroger le langage en résistant à la brutalité des sons barbares mais en se tenant à l’écart du langage conventionnel. La langue devient alors le reflet d’un « désordre vivant » dont elle cherche à célébrer l’éclat.

Les onomatopées et interjections

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Onomatopée : « Processus permettant la création de mots dont le signifiant est étroitement lié à la perception acoustique des sons émis par des êtres animés ou des objets. »
Interjection : « Une interjection est un mot invariable, autonome et n’ayant pas de fonction grammaticale.Les interjections sont souvent suivies, à l’écrit, d’un point d’exclamation. »

« L’interjection et l’onomatopée sont assez souvent confondues, ce qui peut se comprendre vu la différence en réalité assez subtile, à savoir que l’onomatopée est liée au principe d’imitation, contrairement à l’interjection. Dans les deux cas, il s’agit de mots courts et invariables. L’interjection (du latin interjectio, de jacere = ‘ jeter, lancer ‘) exprime un sentiment, un ordre, une émotion spontanée et n’évolue qu’avec la langue : chut ! Va ! Hélas ! Aïe ! Crotte !… L’onomatopée (du grec onomatopoiia = ‘ création de mots ‘) quant à elle est extensible à l’infini puisqu’elle part de l’imitation, et on peut tout imiter, donc inventer n’importe quelle onomatopée à tout moment, le principe n’est pas lié à des règles précises de construction à part la ressemblance avec un bruit existant : Ouah ! Miaou ! Splash ! Crac ! Boum ! Hue ! Ding ! Dong ! Bang ! Plouf ! Bling ! Flop ! Hop ! Blabla ! Pouah ! Sniff ! Couac ! Tic-tac ! Vroum ! Badaboum ! Hum ! Bof ! Glouglou ! L’onomatopée est une forme d’interjection, tandis que toutes les interjections ne sont pas des onomatopées. »3

Consignes

Consigne : Écrire un texte sur la pollution sonore qui s’articule autour d’onomatopées, et d’interjections.

Contraintes : Maximum une page, introduire au minimum 6 onomatopées et interjections dans une narration, ne pas utiliser les mots « bruit » et « son ».

Objectif : S’intéresser à la sonorité du texte, aux bruits qu’engendrent les mots.

 

 

1 https://www.musicmot.com

2 http://www.futura-sciences.com/planete/definitions/developpement-durable-pollution-sonore-6705/
3 http://alorthographe.unblog.fr/2011/05/31/difference-entre-interjection-et-onomatopee/

Auteur : lesfabulations

Ateliers d'expression créative en Nouvelle-Aquitaine Structure dirigée par Marie Gréau et Mathilde Durant

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