« BookBusters »*
Lors de cette séance, les écrivants ont participé à une mise en scène immersive. Sous leurs yeux une offre d’emploi fictive. La Bookbusters corporation recherche des agents intérimaires. Des personnages récalcitrants ont investi l’Alpha et l’agence gouvernementale secrète doit les convaincre de retourner dans leurs œuvres.
La séance commence par une chasse aux livres. Par binômes, les agents fraichement recrutés se lancent à la poursuite des Harry Potter, Gollum, Obelix, Nana, Emma Bovary et autres rebelles livresques en cavale. *
Consignes :*
Premier temps d’écriture :
Vous êtes un narrateur tyrannique. Vous donnerez une somme d’argent astronomique à votre personnage ou le priverez de tout en fonction de sa situation financière initiale. Vous imaginerez alors les réactions et péripéties de votre victime. Utiliser la troisième personne.*
Deuxième temps d’écriture :
Vous écrirez un dialogue entre l’auteur et son personnage en utilisant les première et deuxième personnes du singulier. Votre personnage parlera des conditions dans lesquelles il vit, questionnera sa création et les choix de son auteur. Vous devrez tenter de le convaincre de retourner dans son œuvre, l’expérience précédente ayant pour but de lui montrer à quel point il est à sa place dans son histoire initiale.*
*Ces sujets sont des créations originales des Fabulations, ateliers d’écriture, projet représenté par
les personnes morales et physiques de Marie Gréau et Mathilde Durant. Ces créations sont
protégées par le droit d’auteur. Toute réutilisation ou exploitation des sujets sans l’autorisation
expresse des détentrices des droits pourra faire l’objet de poursuites judiciaires.
PRODUCTIONS
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MISSION 1
En s’éveillant ce matin là, la cigale, le ventre vide, se demandait ce qu’elle mangerait pour son petit déjeuner. Le réfrigérateur était complètement vide : pas même un verre de lait ! Un enveloppe blanche glissée sous la porte attira son attention. Qu’est-ce que c’était ?
Le cœur battant, elle se précipita et ô miracle ! Trois beaux billets bleus s’en échappèrent. Une somme importante pour la pauvre cigale qui avait un peu oublié la couleur de ces petits rectangles de papier.
Première utilisation : manger. Cigale se précipita dans le premier magasin et emplit copieusement son caddie. De quoi subsister au moins trois jours ! La sagesse aurait voulu que la monnaie restante reste en réserve, en attendant des jours meilleurs. Jours meilleurs, c’est-à-dire, quand elle signerait un contrat pour une tournée de chansons, peut-être, la gravure d’un CD.
Ce magasin, autre la nourriture, offrait quantité d’objets combien tentants ! Cigale s’aperçut que ses chaussures criaient misère, que cette petite robe rouge lui irait si bien. Ainsi, vêtue et chaussée de neuf, peut-être attirerait-elle l’attention d’un « dénicheur » de vedettes. La chanteuse à la voix unique, telle qu’elle se songeait. Cigale dépensa donc tout le contenu de l’enveloppe avec l’espoir que le donateur ou la donatrice inconnue renouvellerait son geste. Au fait, qui était-il ? La fourmi prise de remord ? Elle n’y croyait pas beaucoup. La fourmi, malgré un travail qui ne cessait ni jour ni nuit, ne semblait pas tellement à son aise. Toujours vêtue des mêmes vêtements sans élégance, elle se nourrissait des herbes de son jardin. Chercher un autre emploi ? Cigale n’y pensait même pas.
S’il lui arrivait d’y penser c’était pour constater qu’elle ne savait rien faire que chanter, que de ses mains inutiles rien ne sortait. N’avait-elle pas choisi un métier inutile, en apparence du moins, car quelqu’un a dit que l’homme ne vit pas que de nourriture. La musique, le chant, embellissent la vie reposent du travail quotidien. Oui, ils sont inutiles, c’est peut être pour cette raison qu’un généreux donateur a pensé venir en aide à cette cigale qui le charmait en lui faisait oublié un instant les moments gris de l’existence.
MISSION 2
L’auteur : Si la chanson ne vous nourrit pas, faites autre chose.
La cigale : Je ne sais que chanter.
L’auteur : Essayez de vous servir de vos mains. Cela n’empêche pas de chanter.
La cigale : Vivre de son art est difficile. Le public est versatile. Vous plaisez, vous être adulé, puis le monde change et vous n’êtes plus rien.
L’auteur : Raison de plus d’avoir une « autre corde à son arc ». Vouloir et pouvoir vivre toute sa vie d’une même métier est de plus en plus difficile, qu’on soit artiste ou autre.
La cigale de la fable est jugée paresseuse par la fourmi. Dans la réalité, le métier de chanteur ou chanteuse exige une grande dépense d’énergie. Quad un concert est prévu que vous soyez en forme ou non, il faut y aller. On vous attend. Le concert terminé, les applaudissements éteints, l’artiste se retrouve seul dans sa chambre d’hôtel. Beaucoup n’y résistent pas.
Je crois qu’il vaut mieux être une fourmi travailleuse et économe, une fourmi qui aidera volontiers la cigale, pour la récompenser de ses chants.
Michelle
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MISSION 1
A Vérone, deux grandes familles, les Montaigu et les Capulet, se vouent une haine sans nom. Ce que les habitants de Vérone n’avaient pas pu venir était l’amour des deux rejetons de chaque famille.
Roméo et Juliette, après avoir fait vivre un calvaire à leurs parents au nom de leur amour qu’ils qualifiaient d’un grand A, voulaient s’unir devant Dieu par un mariage. Quand les Capulet et les Montaigu apprirent pour l’union de leurs enfants, ils prirent alors la décision de les priver d’argent de poche. Roméo qui avait l’habitude de gâter sa douce Juliette chaque jour de petits cadeaux, se vu du jour au lendemain incapable de lui offrir quoi que ce soit.
Leurs parents furieux ne voulaient plus entendre parler d’eux, ils étaient donc livrés à eux-mêmes dans les rues de Vérone, louant avec le peu qu’il leur restait un appartement dans une ruelle que Juliette disait « glauque ». Roméo rassurait Juliette avec ses poèmes :
« Oh douce Juliette, même vêtue de aillons
Je t’aimerai chaque jour au son des grillons.
J’ai dû troquer mon carrosse pour une calèche
Nous sommes donc condamnés à vivre d’amour et d’eau fraîche. »
Mais Juliette était un peu plus septique. Habituée depuis sa tendre enfance à vivre comme une princesse, elle était tiraillée entre l’envie de retrouver son confort de vie et son envie d’émancipation. Incapable de quitter son Roméo et voyant bien que leur situation financière était critique, elle poussa Roméo à trouver un emploi. Amoureux transit de sa femme et voyant qu’elle souffrait de son manque d’argent, Roméo prit sa mission très au sérieux. Il appela donc son ami de toujours et sur qui il pouvait compter, Mercutio. Tous les deux avaient des envies entrepreneuriat et décidèrent donc de créer leur propre entreprise de pizzeria à Vérone.
MISSION 2
Mon personnage Roméo a essayé de s’échapper de son livre il y a peu de temps. Je vais devoir lui demander la raison de cette fuite.
« Bonjour Roméo.
-
Qui me parle ? Suis-je devenu fou ? J’ai bien entendu que quelqu’un me parlait mais il n’y a personne autour de moi ! Cela doit être mon imagination.
Fais attention, vise bien car Juliette va encore se plaindre que j’en ai mis partout sur la cuvette des toilettes. Ah voilà ! Pas une goutte, elle va être fière de moi.
-
Hum hum. Roméo, c’est ton créateur qui te parle.
-
Seigneur ! Quoi ? Mon créateur ?
-
Oui Roméo, celui qui t’a créé ainsi que Juliette.
-
Est-ce que je parle avec Dieu ?
-
Non ce n’est pas Dieu, je suis Shakespeare et tu es l’un des personnages principaux de mon livre.
-
Vous voulez dire que tout ce qui se passe dans ma vie depuis ma naissance a été décidé par vous ?
-
Oui c’est exactement ça.
-
Alors j’ai à vous parler !
Comment pouvez-vous dormir la nuit en sachant que ma femme et moi vivons dans un petit appartement ? Je travaille chaque jour à la pizzeria pour un salaire qui me permet juste de payer mon loyer, à manger et le foin pour mon cheval. Une vie sans plaisir, sans vacances, sans projet. Travailler pour pouvoir payer le minimum de confort.
-
J’entends que tu n’es pas content mais tu es avec ta Juliette ?!
-
Juliette ? Elle est devenue une vraie mégère maniaco-dépressive : « Non Roméo, quitte tes chaussures avant de rentrer », « Tes chaussettes Roméo ! » « ROMEO !!! »
-
Le mariage… J’aurai dû adapter peut-être la première version pour vous. Elle est plus dramatique mais épique !
-
Ah oui ? Et quelle est-elle ?
-
Juliette prend du poison, mais pas un qui la fait mourir. Toi tu prends du poison qui te fait vraiment mourir. Juliette se réveille et elle se poignarde.
Roméo tombe dans les pommes.
Caroline
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MISSION 1
Ulysse, roi d’Ithaque, guerrier, navigateur, connu pour sa ruse et son intelligence. Seulement voilà, au bout de ses dix années d’errance à travers le monde, il est ruiné, dépossédé de sa richesse. Est-ce que cela a de l’importance pour lui ? C’est ce que nous allons voir. Après une ultime bataille contre Poséidon, luttant sur une mer déchaînée trois jours durant, le voilà échoué, perdu.
Et c’est donc dans une contrée étrange qu’il se retrouve, nu comme un vers. Il ne se laisse pas abattre malgré la blessure de sa jambe et les corps déchiquetés de son équipage sur les rochers tranchants comme une épée. Il se vêtit d’algues trouvées là.
Épuisé, il s’abrite comme il peut des bourrasques de vent et de la pluie battante dans une grotte creusée par la mer. Quand il se réveille, la lune est haute, le vent retombé. Par Zeus et Athéna, où se trouve-t-il ?
L’image de son fils le fait tenir bon et le pousse à se relever. L’eau salée et le sable noir incrusté dans la plaie le font souffrir le martyre. De l’eau douce, il lui faut boire de l’eau douce et nettoyer sa jambe avant que le pus ne sorte et fasse pourrir sa jambe. Malgré la douleur, il escalade les parois escarpées. Du rivage, ce qu’il découvre le laisse sans voix : un paysage de désolation, brûlé, craquelé sur des kilomètres et des kilomètres. Au loin, un sommet qui crachote une fumée. Il est aux enfers, c’est sûr.
Des jours durant, il enjambe, rampe nu dans ce paysage chaotique, dormant dans des aspérités naturelles laissées par la lave séchées, buvant l’eau de pluie dans les flaques. Pas un oiseau, un rongeur ne passe par là. Combien de temps peut-on vivre sans manger ? Il a lavé sa plaie comme il a pu avec cette même eau de pluie. Il doit nettoyer la blessure sans quoi il perdra sûrement sa jambe. Malgré tout, il n’abandonne pas.
Il a tout perdu mais il sait qui il est. Il n’est pas son or, ou ses vêtements et même sans une jambe il continuera d’être. Combien de jour a-t-il erré ainsi ? Il ne pourrait le dire. Il ne peut plus bouger, allongé crasseux sur un sol boueux quand il sent des bras le porter et l’emporter. Durant une éternité, il ne se réveille que pour manger. Lorsqu’il émerge enfin, il ne reconnaît rien. Une cage. Il est donc dans une cage. Son premier réflexe ? Sa jambe ! Coupé, le moignon est enveloppé et une jambe de bois est à la place. Son corps amaigri se jette sur le peu de nourriture laissée là pour lui. Puis il les voit, des primitifs ! Des hommes à la carrure de colosse aux longs cheveux blonds.
Il aperçoit d’autres hommes et femmes, enfermés aussi, comme lui. Certains barbares examinent des corps aux regards vides, leurs dents, leur musculature. Il est donc à un marché aux esclaves. Lui, Ulysse, est devenu unijambiste et esclave.
MISSION 2
« Pourquoi me fais-tu vivre ça ? Je suis Ulysse, une légende vivante et toi tu me détruis, tu détruis qui je suis et toute mon œuvre, me dit Ulysse
-Je ne suis pas d’accord avec toi. Tu voulais voyager, vivre d’aventures ! N’est-ce pas pour ça que tu as quitté femme et enfant ?
-Je ne suis plus rien, ni respecté, ni fort, même mon nom n’existe plus ici ! rétorque-t-il.
-Oh, ne réagis pas comme ça. Si tout le monde ignore qui tu es, n’es-tu pas toujours Ulysse, roi d’Ithaque ?
-Je ne reverrai jamais les rivages d’Ithaque à cause de toi ! Et d’ailleurs qui es-tu ?, hurla-t-il.
-Je ne suis personne. Tu peux m’appeler ainsi, répliquai-je.
-Tu te moques de moi ! C’est ce que j’ai répondu au Cyclope qui me retenait prisonnier.
-Alors peut être ne suis-je qu’une femme bafouée, qui t’a tout donné et que tu as abandonné ! Peut-être que tout cela est une vengeance, pour moi Calypso.
-Tu n’oses pas Calypso, s’écria-t-il. Calypso n’a pas le pouvoir ni la cruauté nécessaires pour me faire subir ce sort.
-Ah ah ah, riai-je. C’est vrai que tu es intelligent.
-Comment sais-tu tout cela sur moi ? Qui es-tu par les dieux de l’Olympe ?
-J’ai toute puissance sur toi et tu vivras ce que je déciderai pour toi. Ainsi est ma volonté. Pour toi je serai une déesse, tu craindras ma volonté et mes envies et tu feras tout pour me plaire. Si tu te débats tu souffriras, encore et encore. Tu ne peux t’échapper et si tu veux réellement rester la légende que tu es sensé devenir, tu m’obéiras !
-Je refuse !, explose-t-il. Je suis un homme libre !
-Tu seras ce que je veux bien faire de toi. Maintenant où en étais-je ? Ah oui ! Tu étais dans ta cage, prêt à être vendu comme esclave. Tu as de la chance, dans ce pays les esclaves ne sont pas eunuques !
-NNOOONN, pleura Ulysse, seul dans sa cellule, trempé jusqu’aux os par la pluie glacée. Au moins, il était à nouveau vêtu !
Élodie
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MISSION 1
PARTIE 1 : Et Dieu créa l’abondance mais au début ce n’était pas très au point.
Au neuvième jour, (pas au huitième car Dieu dans son infinie sagesse avait posé un jour de RTT qu’il avait conservé d’un reliquat de sa précédente Création d’Univers), au neuvième jour donc, Dieu dit : « Cela est beau et bon, mais ne fera jamais l’objet d’un scénario pour une série de l’été en prime time. »
Car le dimanche, Dieu aimait à se reposer sur un canapé moelleux devant de bonnes séries. Ainsi il créa dans un recoin du jardin d’Éden, au fond d’une grotte cachée par un rideau de pluie scintillante, un distributeur automatique de billets. Puis il dit à Adam : « Ô créature bien-aimée, voici une carte Gold, va, parcours le monde, amuse-toi. Tu as crédit illimité. » Car Dieu savait que l’argent ne fait pas le bonheur mais permettait néanmoins de l’action, du suspens et des rebondissements.
Adam fut impressionné par la brillance de l’objet qui resplendissait au soleil, par sa légèreté, son aspect rectangulaire à nul autre pareil dans la nature. Il décida de la porter contre son cœur, toujours.
Cependant il n’avait point de poche. Adam et Dieu se concertèrent et ensemble convinrent qu’un polo blanc serait du plus bel effet. Et pour marquer l’emplacement sacré du cœur contre lequel l’objet d’or serait glissé, Adam fit broder par Ève une représentation d’un crocodile sacré du Nil, gueule ouverte et queue dressée. Ainsi fut fait.
Et Adam parcourut le monde. Il fut de retour le soir même, car le monde n’était encore qu’un tout petit monde débutant. Ève confectionnait innocemment sa huitième tarte aux pommes de la journée et demanda : « Adam, as-tu passé une bonne journée mon chéri ? » La question fut piquante et cruciale pour le cœur d’Adam : « Oui et non, dit Adam. Je me suis promené à la surface du monde, exhibant à chaque instant ma carte d’or dans les reflet du soleil, éblouissant les animaux et jetant des éclats brillants sur les feuillages verts. Cela était beau mais quelque chose manquait à ma complétude. Lors, le soleil baissait et j’ai senti pointer la mélancolie. »
Ève nettoyait le plat à tarte et, ne voyant pas du tout ce que diable pouvait signifier mélancolie, lui dit : « Demain, je t’en prie mon aimé, essaie de mettre un pantalon avec ton polo, ce sera plus classe. » Et ainsi il fit. Car Adam écoutait et craignait Dieu, mais déjà son expérience humaine d’une semaine et demie lui avait montré combien il est impérieux d’aussi et surtout écouter sa femme.
Au soir du deuxième jour de l’âge de la carte d’or, comme on appela cette deuxième semaine méconnue de la création, Adam revint abattu et plus perplexe que jamais : « Toutes les bêtes se sont moqué de moi ! dit-il en arborant devant Ève son nouveau pantalon chino rose du plus bel effet. Ma carte d’or ne sert à rien ! »
En effet, au jardin d’Éden, Dieu n’avait crée nul bar à champagne, nul séjour au ski, nul jacuzzi, nul manteau de vison.
Le troisième jour de l’ère de la carte d’or, Adam délimita la partie la plus verte du jardin d’Éden, réussissant à créer un parcours de golf très satisfaisant. Ainsi, il décida que toute créature qui ne serait en possession d’une belle carte comme la sienne n’aurait le droit d’y pénétrer. Il y passa alors 40 jours entiers, allongé sur le gazon magnifique, laissant à Ève toute seule le soin de se multiplier et de peupler la terre.
Au bout des 40 jours, alors que les nombreux enfants d’Ève couraient dans tout le jardin, nus, bronzés et repus de tous les fruits du verger, Adam se sentit seul. Il en appela à Dieu : « Quel est le sens de tout cela ? Que faire de tout ce gazon verdoyant et de mon polo qui se tâche si facilement ? » Ainsi fit-il part à son créateur de sa mélancolie et de son désarroi, contemplant sa carte dont l’or terni tombait déjà en lambeaux. Dieu eut pitié de sa créature et vit bien que le scénario de sa série de l’été risquait de tourner court : « Va, il est temps de retrouver Ève, elle te montrera la voie. »
Adam sortie de l’enceinte de son green idyllique et parfaitement tondu pour retrouver Ève sous le pommier. Mais Ève n’était plus là. Il patienta un jour, puis une nuit et s’endormit. À l’aube, des éclats de voix inconnues le tirèrent de son état. Sans vergogne ni discrétion, trois femmes légèrement ivres d’hydromel, se tenaient par le bras et chantaient des chants nouveaux, mêlant lyrisme à la licence poétique et apologie des Dieux du Stade. Elles aperçurent Adam. Ève s’écria : « Te voilà revenu ! » Lilith dit « Bonjour, on s’est déjà vus, non ? » « Oh la la, Salut toi ! » ajouta Brigitte Bardot, que Dieu venait juste de créer et dont il était très fier.
Adam eut le souffle coupé. Face à sa femme, à son ex, et à la plus belle femme du monde, il se mit en plus à se questionner sur la pertinence de ses choix amoureux.
Il vit que sa carte gold était fort inutile face à cette douloureuse affres de son âme.
« On revient du Paradaïse, dit Ève, tu devrais venir c’est super chouette ! »
Alors Adam vit que Ève avait certainement consommé quelque chose qu’elle n’aurait pas dû, et il sentit que Dieu allait se fâcher tout rouge. Il décida de se jeter du haut de la page, ce qui était quand-même assez haut car c’est un gros bouquin, pour en finir une bonne fois pour toute avec cette histoire.
MISSION 2
PARTIE 2 : la thérapie de la dernière chance.
– Bonjour Adam assieds-toi, et dis-moi ce qui ne va pas
– Qu’est-ce que je fais là ?
– Procédure standard. Tu n’as pas seulement voulu t’enfuir de ton livre, mais tu as essayé de mettre fin à ton existence Adam. Dans ce cas, c’est moi qui interviens. Pourquoi as-tu fait cela ?
– Ma vie n’a plus de sens ! Je ne comprends pas ce qui m’arrive. Je ne peux que penser à cette carte d’or que Dieu m’a donné. Il m’a promis qu’elle m’ouvrirait toutes les portes, feraient du monde mon terrain de jeu, que je serai aimé, chéri, bien reçu partout. Mais dans mon livre, personne ne prend la MasterCard, même dans les prochains chapitres, je ne peux pas m’acheter un chameau, ni même soudoyer Ponce Pilate. Tout cela est vain ! J’enrage et Ève me fait la gueule
– Je vois. En effet il semble que tu sois victime d’un petit cas d’anachronisme…
– L’anachronisme ? C’est grave ça ?
– Non pas vraiment mais je crois que Dieu, ton auteur, revenait d’un week-end prolongé et n’avait plus trop la tête à ce qu’il faisait.
– Dieu est mon auteur ?
– Oui
– Mais il est aussi mon créateur, n’est-ce pas ?
– Oui en effet
– Mais ôtez-moi d’un doute affreux : mon livre… ce n’est pas une histoire vraie quand même ?
– Euh… c’est un cas un peu particulier ton livre…
– Quoi, le serpent qui parle, le feu magique qui brûle même pas, les inondations qui durent 40 jours, tout ça c’est vrai ?
– Et bien je ne le crois pas… mais je n’ai pas non plus le droit de l’affirmer, en vertu de la législation française sur la laïcité qui régit le territoire français sur lequel cette médiathèque est implanté. Donc, la réponse adéquate, légale et politiquement correcte est : « et toi Adam, qu’en penses-tu ?
– Mais… rien, je ne pense rien ! Je croyais seulement Dieu moi jusque là ! Il n’est pas un personnage inventé lui quand-même ?
– Euh…
– …
– …. Ce que je peux en revanche te confirmer, c’est que la carte Gold est une réalité. C’est juste que pour pouvoir l’utiliser, il va falloir attendre encore deux ou trois-mille ans.
– Mais je serai mort d’ici là !
– C’est le risque en effet. C’est typique de l’anachronisme ça.
– C’est donc bien une maladie mortelle, je le savais.
– Pas si tu retournes dans ton livre sagement. As-tu essayé d’aller au distributeur automatique, derrière la chute d’eau ?
– Oui, Ève m’a montré. On met la carte d’or, on dit « Sésame ouvre-toi » (j’ai appris ça en visitant un autre livre) et on reçoit plein de bouts de papier. Mais c’est encore plus inutile : à part pour allumer un feu à la rigueur. Mais on n’en fait pas souvent du feu ici, comme il fait toujours chaud et qu’on mange surtout les pommes crues… Moi je veux vivre à fond, et pour cela j’ai un plan. J’ai croisé un type, le capitaine Némo, il est d’accord pour m’emmener faire le tour du monde, je vais enfin voir autre chose que cette morne prairie verte, verte à l’infini ! Et il m’emmène gratuitement en échange de mes bouts de papier. Ah ah ! L’imbécile !
– Adam, entre nous, je te déconseille le voyage à bord du Nautilus. Cela risque fort de finir assez mal…
– Ah ? Et bien je m’en fiche. Je trouverai un autre moyen, il paraît qu’il y existe un système révolutionnaire de ballon gonflable…
– Adam, je vais être honnête : C’est très embêtant si tu pars. Cela risque de changer toute l’histoire du monde. Il y a déjà beaucoup de problèmes avec les religions, et j’ai peur d’un effet domino. Même si je ne suis pas sûre d’y croire, j’ai aussi peur que ta disparation n’entraîne celle de tous les autres êtres humains… y compris ton auteur, l’auteur du capitaine Némo et même le mien ! Tu comprends le problème ?
– M’en fiche
– Écoute je te propose quelque chose, un traitement de choc, utilisé seulement en cas d’extrême gravité, et là je crois que je n’ai pas le choix.
– Comment cela ?
– Je vais te créer un nouveau chapitre, inédit, que je vais insérer dans la version de la Bible de l’alpha uniquement. Pour que tu utilises ta carte.
– Et je pourrai aller au Casino alors ?
– Pourquoi pas, si tu veux jouer au black jack ?
– Non, au Casino le magasin. Pour m’acheter des habits, des outils de jardin et des magazines avec des mots fléchés pour quand je suis dans mon golf. J’aimerais beaucoup goûter des sushis aussi…
– OK … je vais te tenter de caser ça. Es-tu prêt à effectuer une petite marche dans le désert en solitaire ?
– Mouais… combien de temps ?
– 40 jours évidement, il faut que ça soit raccord avec le reste. Tu arriveras alors à une oasis, là je te colle un mirage, sous une tente bédouine, et dedans discrètement un hypermarché avec tous les services
– Ils prendront ma carte Gold ?
– Oh oui ! Ils la prendront avec joie.
– Je marche ! Mais tu ne dis rien à Ève. C’est ma carte, mon magasin à moi tout seul.
– D’accord Adam. Mais en échange, je crois qu’il va falloir quand-même qu’on se revoie. Que dirais-tu d’entamer une petite thérapie avec moi ? Rassure-toi, je prends la carte.
Elisabeth
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MISSION 1
Gollum se met en boucle, accroupit sur son rocher. Il me lance un regard méfiant. Ses deux grands yeux noirs me fixent. Une vilaine grimace se dessine sur son visage et se transforme en sourire mielleux.
« C’est pour moi ???
Elle me donne de l’argent, c’est un piège. Elle veut mon précieux… Mais non, c’est pour moi ; Gollum aime l’argent, Gollum aime son précieux ».
Il rampe vers moi, ses yeux brillent. Il tourne autour de moi comme un animal sauvage.
« Tu veux mon précieux, méchante, voleuse. Il est à moi, rien qu’à moi. »
Gollum recule, prend le sac rempli de pièces d’or et plonge doucement ses grands doigts squelettiques dans le sac. Il se met à danser, à chanter.
« De l’or, de l’or, plein d’or pour Gollum, c’est à moi, rien qu’à moi. »
Il relève la tête, plisse les yeux, murmure :
« Elle veut ton précieux, c’est un piège. Elle veut nous voler, tout nous prendre ».
Il soulève son sac, rampe sur le sol et retourne se poser sur on rocher. Il scrute le paysage autour de lui.
« Gollum va cacher son or, Gollum a peur. On va lui voler son argent, son précieux. »
Il saute dans la terre et se met à creuser le sol avec ses ongles crochus. Il crie, il hure, il bave? Il est pris de folie, la terre vole de toute part. Quand le trou est assez grand, il enfoui son sac d’or dedans et referme frénétiquement le trou. Il entasse des pierres dessus et vient s’asseoir.
« Gollum content, personne lui volera son or. Gollum plus bouger. »
Il se couche sur son tas de pierre.
« Gollum dormir, plus Bouger. »
Il ferme ses grands yeux vitreux. Il ne dort pas vraiment. Il ouvre un oeil de temps en temps.
Cet or, tout cet or, c’est trop pour lui, lui qui n’avait jamais eu que son précieux, son seul trésor. L’angoisse, la peur, l’enveloppent et le font plonger dans les ténèbres.
MISSION 2
Bonjour Gollum raconte moi ta vie. Pourquoi fuir ce livre ?
-Gollum est triste. Gollum vit comme une bête. Il veulent tous me prendre mon précieux. Gollum est tout seul, Gollum n’a pas de maison, il a froid il a faim, Gollum marche pied nu dans les rivières, mange le poisson en le déchiquetant avec ses dents. Gollum est la créature la plus horrible de l’univers. Il est laid, méchant. Son corps est nu et décharné. Notre vie se résume à tuer, mentir, se cacher pour garder notre précieux. Nous vivons dans l’angoisse de perdre notre précieux.
-Mais tu es un personnage important dans le Seigneur des Anneaux. Sans toi le précieux n’existerait pas. La route de Frodo ne serait pas aussi passionnante. Ta présence met du suspens et même de l’humour dans ce livre. Tu es laid mais tu as des côté très attendrissant, pauvre petite chose. Tu sais parfois nous charmer avec tes grands yeux. On a de la peine pour toi et tu nous montre ce côté caché en nous, cette double personnalité que nous pouvons avoir et la folie qui peut nous guetter face à la possession (objet ou argent).
Sans toi, ce livre n’existerait pas, puisque personne n’aurait trouvé l’anneau. Tu es le départ de cette histoire et la fin aussi.
Nicole