« L’argent n’a pas d’odeur »
Lors de cette séance, les écrivants ont participé à une mise en scène immersive. A l’entrée de l’atelier ils ont abandonné leur identité pour en piocher une nouvelle. Les voilà tueur à gage, ancienne championne de tennis, amants maudits, policier à la retraite etc. Dorénavant, ils n’ont plus qu’un seul but ; réaliser le braquage du siècle. *
Suivant le schéma de la série à succès La Casa de Papel, les participants entrent dans un jeu de rôle avant de se lancer dans l’écriture. Ils vont devoir braquer en équipe un haut lieu de production monétaire et en ressortir indemne. L’identité de chaque personnage doit être gardée secrète jusqu’à la fin de la séance. Pour cela, chacun s’est vu attribué un nom de code. Ce dernier fait référence explicitement à un auteur qui a écrit ou vécu quelque chose de similaire à l’Histoire du personnage tiré au sort.
Cette séance est l’occasion de travailler le rapport à l’argent ; le rêve, le fantasme et la violence qui en découlent parfois. Une grande importance est accordée au sensoriel, au toucher, à l’odorat et au souvenir.
Dans un soucis de ne pas gâcher la surprise aux éventuels futurs participants de cet atelier, les identités secrètes des personnages ne seront pas révélées. N’hésitez pas à faire des hypothèses et laisser des commentaires.
Consignes :*
Deux phases d’écriture :
Temps 1 : Faire le témoignage du braquage en incluant des éléments propres à leur personnage.
Temps 2 : Toucher les pièces et les sentir. Raconter par rapport à l’odeur ce que les pièces évoquent et raconter le passé ou l’avenir de son personnage d’un point de vue sensitif.
Contraintes : Utiliser la première personne du singulier. Prendre en compte l’histoire et le vécu de son personnage. Coopérer avec les autres participants. *
*Ces sujets sont des créations originales des Fabulations, ateliers d’écriture, projet représenté par
les personnes morales et physiques de Marie Gréau et Mathilde Durant. Ces créations sont
protégées par le droit d’auteur. Toute réutilisation ou exploitation des sujets sans l’autorisation
expresse des détentrices des droits pourra faire l’objet de poursuites judiciaires.
PRODUCTIONS
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Phase d’écriture 1 :
Kesey
Experte en explosifs
Le plan prévu a fonctionné. L’équipe A a neutralisé la sécurité et l’ensemble des otages retenu dans le réfectoire. Les alarmes sont désactivées, le système de surveillance brouillé et les portes bloquées.
L’équipe B, la mienne, passe à l’action.
Woolf et Levy me disent avec un soupçon d’inquiétude dans la voix : « Penses-tu arriver à tenir le coup ? ». Je leur répond d’une voix cinglante : « Vous me prenez pour une femmelette ou quoi ? Je suis un homme, un dur, un pro des braquages et je n’en suis pas à mon premier. ! »
J’ai dû être très convaincant car après cette mise au point, plus aucun commentaire n’a été émis.
Nous nous assurons auprès de Tolkien, chef des opérations de l’équipe B, par micro, que l’accès au sous-sol est libre. L’opération « explosifs » va commencer.
Woolf repère l’accès qui va permettre d’être sur l’ancienne voie de métro désaffectée où se trouvent les wagons. Il était conducteur de Ram et connaît l’infrastructure comme sa poche. Il me reste à placer les explosifs. Au moment même de poser l’allumette, une voix féminine, un trémolo dans la voix me fait hésiter une seconde.
« As-tu pensé aux otages qui pourraient mourir par ta faute ? »
Trop tard, pas d’état d’âme, l’explosion a lieu, la voix est libre !!! Levy charge la marchandise. Notre mission est réussie.
Reste à attendre la fin du braquage.
Phase d’écriture 2 :
Le bateau fait route vers le Sri Lanka.
Enfin nous descendons dans la cale, voir, sentir toutes ces pièces amassées dans plusieurs malles ouvertes, avec des reflets brillants que le soleil envoie par les hublots.
En plongeant mes mains dedans, en faisant lever les pièces entre mes doigts, une nostalgie violente me remonte du temps où, enfant, mes frères et moi ramassions à pleines mains les coquillages au bord de la mer. Nous laissions passer le sable et l’eau pour les mettre dans les seaux. Rentrés à la maison, nous répétions les mêmes gestes. Nous triions les coquillages pour en faire des colliers.
Des colliers, je pourrais en avoir autant que je veux avec cet argent mais je réalise brutalement que le bonheur et les joies de l’enfance n’ont pas de prix et que tout l’or du monde ne les feront pas revenir.
Ghyslaine
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Zola
Ouvrier d’usine
Phase d’écriture 1 :
C’est le grand jour, le stress est là, bien présent. Bon allez, c’est ton jour, celui où tu vas pouvoir enfin sortir de ta petite vie d’employé d’usine, et de baby-sitter. Revoir la Bulgarie, mes parents, ce vieux rêve qui me fait avancer tous les jours. Oui mais voilà, pour revoir mon pays, il faut de l’argent, et cet argent que je fabrique à longueur de journée, tout cet argent a fini par me tourner la tête. Alors quand Franchereau m’a parlé de ce braquage, il ne m’a pas fallu longtemps pour me décider, et puis Flaubert a trouvé cela très excitant. Enfin un peu d’action dans sa vie de mère de famille, tout ce qu’elle attendait. La mise en place du braquage n’a pas été simple mais Carrère et Tolkien sont des pros dans ce domaine. Donc aujourd’hui, c’est parti, nous y sommes.
Comme tous les jours, je prends mon service à la production, tout est en place, le camion des espaces verts et bien là, il attend. L’équipe A se gare sur la parking et Franchereau est prêt lui aussi à les recevoir, à les mettre en place. Je sens la tension monter en moi, car je vais rentré en jeu moi aussi. Ils sont à la porte de service, je les fait entrer. Chacun sait ce qu’il a à faire. Doyle reste avec moi dans la salle de production où les machines tournent au maximum de leurs capacités. Je suis sur toutes les machines qu’il nou faut pour faire le plus le plus de pièces possibles. Les autres ont évacué au fur et à mesure tout ce qui est déjà produit.
Les pièces sont d’une qualité parfaite, nous allons avoir un super magot ! Tout se passe très vite, je ne vois même pas ce qu’il y a autour de moi. Flaubert remplit son rôle à la perfection dans la surveillance des employés qui n’en mènent pas large. Elle peut être très menaçante avec son arme.
Flaubert me fait signe que nous allons lever le camp, tout est chargé dans les wagons…
Phase d’écriture 2 :
Nous voilà sur le bateau en direction du Sri Lanka. Nous sommes tous là à nous féliciter de la réussite de notre plan. Je ressens cette envie de voir toutes ces pièces dans leur ensemble. Je descends dans la cale avec Flaubert et nous contemplons cet énorme butin. Malgré mon habitude quotidienne de voir et toucher les pièces, celles-ci ont un parfum différent. Le parfum du rêve et de la réussite. Je vais pouvoir revoir mon pays, la Bulgarie, et revoir mes parents, mais pas tout de suite. Je vais d’abord disparaître quelques temps, me faire oublier mais dans des endroits agréables. Pour commencer, découvrir le Sri Lanka, découvrir le monde avec cet argent, tout cet argent que j’ai fabriqué !!!
Et c’est bien connu, l’argent n’a pas d’odeur…
Nadine
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Caroll
Génie de l’informatique
Phase d’écriture 1 :
Il est tôt ce matin, la pression monte pour moi. On ne sort pas 6 000 tonnes de métaux précieux à l’improviste. Tenue spéciale pour moi : je dois passer incognito en restant à l’aise dans mes mouvements. Toujours nue sous mes vêtements. Pourquoi s’encombrer de ces sous-vêtements qui pourraient vite s’accrocher à un fil et déconnecter le système. Pourtant, je me méfie du regard de Balzac qui a été concentré sur mon décolleté lors de la dernière opération menée ensemble.
C’est à Pessac que Tolkien et Carrère, nos cerveaux, ont défié les qualités de notre équipe. Et quelle équipe… Tout le monde est là. Chacun a sa spécialité. J’ai du mal encore à travailler avec Rabhi, cet écologiste violent qui, il y a quelques temps, après mes études en neurosciences, faisait partie de l’équipe qui m’implanta une intelligence artificielle.
Aujourd’hui je ne suis plus cobaye de leurs expériences et je me sers de mon vécu pour participer à des braquages de haut vol. Je n’ai peur de rien et j’aime tout maîtriser. C’est évident, avec mes 24 ans, je suis la plus jeune de cette opération mais sans mon génie de l’informatique et ma connaissance de l’électronique l’alarme sonne, les keufs débarquent et l’opération se traduit par un réel échec.
Mais cela ne se produira pas. Je suis prête. Mon travail se situe bien en avance de l’opération. Déjà une semaine pour prendre le contrôle du système informatique de Youpiparc, parc d’attraction situé à gauche du bâtiment. C’est depuis là que je me connecte au dispositif de la sécurité du site. Une formalité pour moi. Le plus complexe reste à venir…
Passerelle. Porte A. Accès aux quatre parkings. Accès aux différents coffres et pièces de confinement. Je dois maîtriser à tout moment l’ouverture ou la fermeture de toutes ces portes.
Le jour J, toute l’équipe est équipée des derniers systèmes de communication et localisation récupérés par l’intermédiaire de Zola, complice expert, avec qui nous participons régulièrement à des braquages. Woolf, notre chien spécialiste en repérage d’endroits est équipé de caméras et de GPS. Son maître, Doyle, peut à tout moment le contrôler à distance.
L’heure approche Toute l’équipe est concentrée sauf bien sûr Kesey comme d’habitude. Cette femme est vraiment atteinte. Se prenant pour un homme, schizophrène, elle peut tout faire péter à la moindre alerte.
Ça y est, Carrère donne l’assaut. C’est maintenant que je connecte mon cerveau artificiel à l’ordinateur. Oh merde ! Le code téléphonique c’est le K.B.F ou le K.B.G ? Concentre-toi Caroll, c’est maintenant…
Clic-clic-clic. Ça y est, trois clics décisifs. Je maîtrise tous les téléphones cellulaires de la zone même celui de Marc, agent de sécurité. L’alarme est désactivée, les brouilleurs installés sur un kilomètre à la ronde et pour quatre heures. Toute l’équipe attend mon signal. Je vérifie une dernière fois les micros-émetteurs de la localisation de tous les véhicules de service nécessaires.
Un dernier clic et c’est parti. A vous de jouer équipe de choc…
Phase d’écriture 2 :
Et un braquage de plus de réussi ! Quelle équipe… Quel butin… Je regarde l’horizon de cet océan. A perte de vue de l’eau. Rien d’autre à regarder si ce n’est le destin de me retrouver dans cette aventure. On dit souvent l’argent n’a pas d’odeur et pourtant je le sens, le vent chaud du sud amène à mes narines cette odeur bien particulière. L’or. L’argent. Les pièces. Sûrement une odeur imaginaire et pourtant, comme un bon repas attire vers la cuisine, cette odeur m’attire vers la cale de ce gros navire plein d’avenir.
Avons-nous le droit de franchir cette porte à peine sécurisée, sans code à déchiffrer, sans système électronique à détourner ? Un banal container, une porte tellement banale.
Ah oui quand même ! Des milliers de pièces brillent devant moi malgré cette lumière sombre. Et si j’osais ? Après tout je suis un peu déjantée moi aussi !… Un doigt, une main, puis deux, et ce container se transforme pour moi en un bain géant de monnaie. Et de là, je rêve…
Au Sri Lanka, je trouverais sûrement cet ordinateur implanté dans un prince charmant avec qui de pourrai encore et encore brouiller les pistes…
Nicolas
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Balzac
Tueur à gage
Phase d’écriture 1 :
Que personne ne bouge et tout se passera bien. Au moindre mouvement, je ne fais pas de sommation, je tire dans le tas. Je ne suis pas un gentil garçon, je n’ai rien à faire de vos vies donc écoutez moi et ne faites pas les malins.
Pour commencer, vous levez les mains au dessus de votre tête et restez comme ça. Vous allez vous aligner le long du mur du réfectoire et rester tranquilles. Pensez aux paroles que je vous ai dites. Je reste planté devant vous et je tire au moindre mouvement. Je vous l’ai dit : aucun sentiment. J’ai la gâchette très sensible. Quant à vous, les hommes de la sécurité, vous allez rapidement couper tout le système sous les ordres de Caroll qui dégaine aussi très rapidement. Ne faites pas les marioles.
Je reviens vers vous les otages. Quelqu’un a bougé, que cela ne se reproduise plus. Pensez bien que nous sommes tous motivés pour récupérer le maximum de pièces et aussi fabriquer des pièces uniques. Vous êtes ici prisonniers de mon arme, celle de Sacher Masoch, vous serez libérés quand nous le voudrons bien. En attendant restez tranquilles si vous voulez rester en vie. Vous êtes tous ici : 23 personnes. Et l’usine est sous notre contrôle. Dans mon oreillette je suis l’activité de l’autre équipe qui se charge d’ouvrir le souterrain. J’entends que tout se passe comme prévu dans le plan. Vous allez reprendre vos places de production mais nous serons là pour vous surveiller. Tous à vos postes de travail et pas d’égarement dans la manœuvre, chacun sa place et au boulot !
La production est vite acheminée vers le souterrain et, avec le concours de l’équipe B, l’argent est amené à la déchetterie comme prévu. Nous décidons avec Flaubert de libérer les otages un par un par les différentes portes de sorties et portes de secours, de façon à désorienter les forces de police qui viennent d’arriver. C’est un peu un mouvement désordonné mais je pointe très vite mon arme leur disant qu’ils ne sont pas encore sortis de mon champ de tir et qu’ils doivent continuer à m’obéir. Une fois les otages libérés et les portes refermées de l’intérieur, nous nous enfuyons par le tunnel avec toute l’équipe. Tout se termine bien : nous sommes riches et nous n’avons fait de mal à personne. A nous la vie au soleil !
Phase d’écriture 2 :
Ouf, ça y est, nous sommes sur ce très beau bateau, même s’il est moche. Pour nous c’est le plus magnifique car il transporte notre superbe butin. Après quelques heures de voyage, je narrive pas à trouver le sommeil. Je tourne dans tous les sens. J’ai trop envie de toucher, de voir, de sentir cet argent qui est dans la cale de ce bateau. Après avoir hésité et m’être assuré que personne ne s’aperçoive de mon départ, je décide de descendre dans cette cale. Et là, un nuage de bonheur m’envahit quand je vois toutes ces pièces devant moi. Je n’ose même pas m’en approcher dans un premier temps, je suis émerveillé. Cela me rapproche de mon passé, fait surgir dans mes pensées tout ce que nous avons pu vivre avec Vénus après avoir tué notre patron, tous les casses que nous avons pu faire ensemble mais rien de comparable avec ce butin fabuleux qui s’étale sous mes yeux. Un container entier de plusieurs tonnes. Que c’est magnifique ! Je m’approche à pas feutrés, comme si j’avais peur de réveiller quelque chose de magique. Je vois, je touche, je plonge à pleines mains dans toutes ces pièces. Je pose mon nez sur ces pièces. Pour moi, elles ne sentent pas, rien, sauf que cette odeur de rien éveille mon cerveau sur un avenir de bonheur, de plénitude, où je vais faire plaisir à mon corps en dépensant sans compter, en me faisant le plaisir de pouvoir acheter ce qui me plaît et me fait envie. Le bonheur va s’ouvrir pleinement comme un ciel sans nuage, la liberté, la joie, la vie quoi. Je sais d’où vient cet argent. Nous l’avons braqué sans violence, sans scrupule, car il n’appartient à personne. Sauf à nous maintenant. Pour moi, je ne me soucis pas du tout à qui cet argent pourrait manquer. Il ne sent rien et n’est à personne sauf à moi, à mes complices d’un jour et surtout à Sacher-Masoch, ma compagne.
Michel
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Flaubert
Mère de famille
Phase d’écriture 1 :
Nous arrivons sur le parking. Tout a l’air calme. Comme convenu préalablement par un coup de fil, Marc Franchereau nous accueille. A ce moment là, je commence à stresser car le plus dur reste à faire : arriver jusqu’aux bureaux. Mais, friande d’adrénaline, ce n’est pas un problème. Pistolet dissimulé sous ma veste, je monte les escaliers et arrive à la porte voulue. Personne n’a semblé surpris de ma présence. Avant de pénétrer dans la pièce, je contacte Caroll pour m’assurer de l’avancée de son travail. J’apprécie les risques, mais quand ils sont mesurés, malgré ma réputation d’intrépide. Arme en main, devant ma détermination et profitant de l’effet de surprise, j’emmène tout le monde dans le réfectoire sous la surveillance de Balzac. Une mission de réalisme. Reste à aller dans l’atelier de production dont Zola assure l’accès à Sacher-Masoch. Ils ont déjà bien œuvré puisque seuls restent dans l’atelier trois techniciens et vingt ouvriers pour produire le maximum de pièces. Je pointe mon pistolet alternativement sur chacun d’eux pour manifester ma détermination. Surveillés, les ouvriers continuent leur production sous l’œil de Zola.
Arrive enfin le moment où l’énorme stock de pièces est récupéré et mis dans les wagons de chantier situés sur une ligne désaffectée au sous-sol de l’usine. C’est le moment de libérer les otages de l’atelier, du réfectoire et de les faire sortir par toutes les issues.
Phase d’écriture 2 :
Nous voilà enfin sur le bateau en route pour le Sri Lanka. Au bout de quelques heures, impossible de résister à l’envie de contempler, toucher notre trésor. Je ne suis pas la première à avoir eu ce désir irrépressible car je retrouve Zola et Caroll descendus avant moi dans la cale. C’est avec délice et délectation que je plonge mes mains dedans. Cela me rappelle lorsque je sortais de ma tirelire les pièces collectées lors d’anniversaires, de fêtes… Mais là, la sensation est différente car ce sont des pièces neuves et spéciales.
Leur toucher est velouté, brillant alors que les pièces de la tirelire avaient des aspérités et étaient devenues ternes par l’usage. C’est alors qu’en remontant sur le pont, je me prends à rêver…
Sylvette
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Woolf
Chien de compagnie de Doyle
Phase d’écriture 1 :
Où t’es mon maître ? Où t’es mon maître ? Oh, c’est chouette ici ! Je peux courir partout. C’est marrant. Oh, une salle ! Et là ? Oh, encore une salle ! Y’a des gens, plein, plein de gens. Des copains, plein de copains. Oh, ça sent le daim ! J’ai envie de faire pipi. Lui, mon copain, il a des chaussures en daim. Allez, pipi. Et elle aussi. Allez, pipi.
Qui m’appelle ? Mon maître, où est mon maître ? Il m’appelle. Mon maître ! Mon maître ! Mon maître ! Je te saute dessus. Je t’aime ! Allez, un coup de langue sur la joue gauche ; un coup de langue sur la joue droite ; dans tes oreilles ; dans ton cou. Oh, je t’aime mon maître ! Allez viens, on va jouer. Donne-moi ta balle. Regarde, c’est grand ici. Envoie-moi la balle ! Allez, envoie-moi la balle ! Tu me l’as déjà envoyée ? Elle est où la balle ? Elle est où la balle ? Il faut que je trouve la balle. C’est mon maître qui l’a dit. Il a dit « cherche, cherche la balle ».
Oh, je les connais eux ! C’est Moore et Giono. Oh, ça sent le daim ! J’ai envie de faire pipi. Allez, une fois… Et encore une fois… Et une autre fois… Ben, ils se fâchent ? Mon maître ? Il m’appelle ? Il est où mon maître ? Mon maître ! Mon maître ! Je t’aime ! Allez, un coup de langue sur la joue gauche ; un coup de langue sur la joue droite ; dans tes oreilles ; dans ton cou. Je t’aime mon maître ! Je t’aime ! Quoi ? La balle ? Ah oui, la balle. D’accord, je cherche, je cherche. Mais elle est où ? Où elle est ? Oh, mais je la connais celle-là ! C’est Erika. C’est elle qui joue toujours avec la balle. Erika ! Erika ! Je t’aime ! Donne-moi la balle ! Elle est où ? Elle est où ? Ben, elle pleure. Pleure pas, pleure pas ! Regarde, je t’aime. Un coup de langue sur la joue gauche ; un coup de langue sur la joue droite ; dans tes oreilles ; dans ton cou. Qui m’appelle ? Mon maître ! Mon maître ! Je t’aime ! Allez, un coup de langue sur la joue gauche ; un coup de langue sur la joue droite ; dans tes oreilles ; dans ton cou. Quoi ? Oui, la balle. Allez, je cherche…Je cherche… Là-dessous. Il y a quelque chose. Un trou. Un passage. Allez, je creuse. La balle est peut-être dessous. Je suis content. Je suis content. C’est marrant. Mon maître va être content aussi. Il va jouer avec moi. Mais, qui c’est cette femme qui me suis ? Oh, des chaussures en daim ! J’ai envie de faire pipi. Oh, elle me frappe !!?? Ben pourquoi ??!! Quoi ? Elle me traite de chat ? Je suis pas un chat. Quoi ? Qu’est-ce qu’elle dit ? Un gendarme derrière moi ? Elle me parle à moi ? Elle me prend pour un humain maintenant ? Mon maître ! Mon maître ! J’ai peur ! Ah, te voilà. Je t’aime, mon maître ! Je t’aime ! Ah oui, la balle. Je creuse… Mais j’ai peur. La dame me surveille. Elle est derrière moi. J’entends mon maître : « T’es un bon chien. Cherche la balle ». Il m’a dit « cherche la balle ». Il a dit que j’étais un bon chien. Il faut que je me concentre sur sa voix. Mon maître, mon maître,… Je t’aime ! D’accord, je cherche la balle. Je creuse… La dame ! Elle me pousse ! Je peux plus creuser ! Elle met des choses dans le trou que j’ai creusé ! Elle va prendre ma balle ! Non, prends pas ma balle ! Ah non ! Je lui saute dessus. Oh, elle a une veste en daim ! J’ai envie de faire pipi. Oh, elle se fâche et…. Mon maître m’appelle. Mon maître ! Mon maître ! Je t’aime ! Quoi ? Il faut y aller ? Où ? Dans le trou ? La balle, la balle ! Je vais trouver la balle…
Phase d’écriture 2 :
Qu’est-ce qu’ils font ? Ils sentent ? Pourquoi ils sentent ? Ils choisissent leur territoire ? Je sens aussi alors. Pouah ! Ça sent mauvais ! On dirait de la pierre dans une grotte. Qu’est-ce qui se passe ? J’ai peur…Mon maître. Non, pas mon maître. Il n’y avait pas de balle. Il m’a menti et maintenant, il m’emmène dans une grotte. J’ai peur… Je ne pourrai plus courir. Plus jouer. Et puis, il y a la dame qui fait des choses bizarres… Elle me fait peur. Est-ce qu’elle va être dans la grotte aussi ? Et puis, j’ai envie de vomir. Ça bouge. Je vomis. Oh, des chaussures en daim ! Je ne fais pas pipi. Je me rappelle que je cherchais la balle. C’était marrant. Je veux y retourner. C’était grand. Mon maître jouait avec moi. Et puis, il y avait plein de copains. Je veux pas y aller dans la grotte. Oh, une balle ! Dans la mer, là-bas qui flotte ! Allez, va chercher !!!…
Claire
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Doyle
Ancien policier
Phase d’écriture 1 :
Aujourd’hui c’est la grand jour. L’opération est organisée depuis des mois et tout se présente comme prévu. Une petite appréhension se fait sentir dans le camion, mais la concentration est à son maximum. Je pense à toutes ces années de bons et loyaux services qui m’ont amené aujourd’hui à vouloir aller complètement contre mes convictions. J’ai vrillé, mais aujourd’hui je n’ai plus rien à perdre.
Une voix se fait entendre dans l’oreillette. Tolkien parle « système de sécurité neutralisé. On investit les lieux. Chacun connaît sa mission. Soyez rapides, attentifs ! Rendez-nous riches ! ». Une fois la porte de sortie franchie, l’adrénaline s’empare de moi. Mon oreillette grésille. Manflard. Je l’avais presque oublié. Mon ex coéquipier, celui qui était mon binôme, qui a tout vécu avec moi pendant ces années ! Celui qui m’a supporté et soutenu à la perte de ma famille. Aujourd’hui, toujours avec moi, il se tient un peu plus loin. Une valeur sûre pour savoir exactement où se trouvent les « renforts ». Nous avons 4 heures devant nous, 4 heures où tout peut arriver. Woolf est un peu agité mais un regard et un simple geste le calment assez rapidement. C’est un grand jour pour lui aussi, il a une mission très importante et le fait que nous devions être séparés pour un moment pourrait être angoissant. Mais j’ai confiance en son flair !
La salle de production est immense. Je n’entends que le bruit des machines. L’équipe A a été chargée de réquisitionner une vingtaine de gars afin que la production se déroule correctement et rapidement.
J’essaie de rester calme et je vois mon chien s’éloigner. Le self control, cette qualité qu’on essaie de nous apprendre dans les premières années de police. Cette petite chose qui fait la différence et qui fait qu’on devient un bon ou un mauvais flic.
Je tourne dans la salle et j’essaie de ne pas croiser le regard de ces travailleurs qui vraisemblablement ont peur. Qui sont-ils ? Est-ce qu’ils ont des enfants ? Une famille ? Que pensent-ils en ce moment-même ? Une femme est à une machine, et je peux voir qu’elle pleure. Je ne dois pas les regarder, je dois me concentrer et faire ce qui a été prévu afin de pouvoir changer de vie. Je n’ai pas de nouvelles de Manflard. A priori, les forces de police n’ont pas encore entrepris d’opération ou s’ils l’ont fait, c’est en toute discrétion. De temps en temps j’entends « RAS, la voie est dégagée », ces codes qui me permettent de remplir mon rôle de protection. Mes coéquipiers peuvent continuer.
Mes yeux et mes oreilles sont en action. J’écoute, j’observe chaque recoin de la salle. Une fois que la production de pièces sera assez conséquente et que l’accès sera libre au sous-sol, il faudra faire vite. Cette explosion pourrait alerter du monde et c’est là que les choses se compliqueront si nous ne sommes pas très organisés.
Carrère entre en contact. Apparemment Woolf a bien fait son boulot de chien et les explosifs sont en place. Je me tiens prêt à partir. Les pièces sont chargées, les ouvriers ont été tous éparpillés par groupes dans plusieurs en coin de la salle. Il faut les libérer, les laisser reprendre leur vie. Manflard me fait part qu’une patrouille va se rendre sur les lieux ainsi que plusieurs camions de CRS. Il faut faire vite ! Une explosion retentit, c’est l’heure. Les portes s’ouvrent à plusieurs endroits et les otages se libèrent à toute vitesse, un mouvement de panique qui nous permet de rejoindre le tunnel du sous-sol. C’est là que tout se joue ! La salle est vide. Manflard est toujours là. Je me rend à l’entrée du tunnel et je me dis que tout est bientôt fini. Woolf attend bien sagement.
Allons-y ! C’est l’heure !
Phase d’écriture 2 :
Quel calme ! Le vent sur le visage, Woolf peut enfin prendre le repos qu’il mérite. Il aime rester allongé à côté de moi ! Il est paisible. Le suis-je autant ?
Vais-je réussir à changer de vie ? Tant de questions qui s’imposent à moi ! Nous avons réussi !
Que va-t-on faire de tout cet argent ? Est-ce que vraiment je serai plus heureux ? Puis-je combler le manque de ma femme et de mon fils avec du matériel ? Non ! Mais je vais profiter d’autre chose dans un endroit où je ne suis personne, ni flic, ni braqueur, ni papa, ni mari. Je suis moi ! Roger Duflour.
Je vois au loin la côte, nous accostons dans peu de temps. Le bateau est assez volumineux. Une chose est sûre, nous ne passons pas inaperçus ! Comment est-ce possible de cambrioler une usine en France et de débarquer dans un pays où personne ne nous cherche ? Je me promène sur le bateau, les wagons sont enfermés dans les cales et il me vient l’envie d’aller y jeter un coup d’œil, de prendre le temps de réaliser tout ce qui est à nous.
Le silence règne. Excitation. Questionnement. Je suis impressionnée, je m’approche doucement du wagon le plus proche et je plonge mes mains dans l’amas de pièces. C’est froid ! Je ne sais décrire ce que je ressens. Je ne sais pas réellement ce que je vais faire de tout ça ! Je ne me suis même pas posé la question. Ce que je sais aujourd’hui c’est que j’ai décidé moi je faire ça ! Je devrais vivre avec ça dans un coin de ma tête. Vais-je culpabiliser, juste parce que je suis un ancien flic et que je combattais ces crimes ? Je ne sais pas, mais en tout cas, une chose est sûre, je recommence tout et ça c’est le plus important !
Céline
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SACHER MASOCH
Tueuse à gage
Phase d’écriture 1 :
Le cliquetis de la serrure se propage à l’acier de la lourde porte renforcée ; sinistre glas de ce qui a été pour cette renaissance probable. L’angoisse est à son comble. Franchereau apparaît dans l’embrasure de la porte les traits tirés. Pas un mot échangé.
Nous entrons dans le bâtiment d’où émergent maintenant les trépidations et les bruits de chocs des poinçons à un rythme surprenant de rapidité. Il va être urgent que Caroll mette une fin rapide à ce vacarme sans quoi je ne pourrai pas faire raisonnablement mon numéro de super méchante à ce parterre de besogneux affairés à leur table. Franchereau nous précède pour nous conduire à la salle de réunion où nous allons rassembler tous les cadres de l’usine pour cette soi-disant présentation de machines de frappes tellement plus rapides. Nous sommes accueillis par l’un des directeurs de production qui nous conduit avec Franchereau jusqu’à cette salle, heureusement munies de grandes baies vitrées donnant sur la salle de production mais fermée, sans fenêtre, nous dissimulant et nous protégeant des assauts qu’auraient pu mener les caïds du RAID. Franchereau a bien assuré sa part, et tous les cadres et techniciens nous rejoignent pour cette présentation qui sera dans un instant une grosse surprise pour eux.
Je lance le diaporama sur lequel tous les regards sont braqués. La seule image qu’il ne présentera jamais est ce message « ceci est un braquage, vous êtes tous pris en otage, nous n’hésiterons pas à abattre ceux qui tenteront de s’opposer quelque soit ce qu’ils entreprennent ». A l’instant où le message est projeté, nous sortons nos armes et nous braquons avec la plus belle détermination l’assemblée encore pour un instant dans l’incrédulité et l’analyse stupéfaite des événements.
Aucun mot n’est prononcé, ni par les otages ni par nous. Seuls nos bras tendus vers eux, les mains jointes sur nos armes, seul le message toujours projeté sur l’écran continue l’échange entre nous.
Phase d’écriture 2 :
Troisième jour de mer. L’ennui m’est de plus en plus insupportable. Quel paradoxe ! L’action dans laquelle nous étions il y a 72 heures me paraît plus douce que ce que je vis maintenant. L’impression d’avoir été amputée d’une part de ce que j’ai été. Sentir la douleur mais ne plus avoir la possibilité d’agir. Les monnaies, l’envie de prendre dans mes mains ces millions de pièces diverses pour jouir de leurs tintements, de leurs poids dans mes mains. Nous ne pouvons malheureusement pas avoir accès à notre butin. Les containers ont été mis au plus profond des cales du cargo. En demander l’accès éveillerait la curiosité de l’équipage. Là encore, il va falloir imaginer quelque histoire pour justifier un besoin irrépressible de toucher, sentir, sous-peser ce que nous avons si mal acquis mais avec tant de plaisir…
Cyril
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Levy
Ancienne tenniswoman
Phase d’écriture 1 :
La vie est formidable. Je vais être une grande championne de tennis. Et voilà. Tout bascule. Mon adversaire est dans le coma. J’ai peur. Il me faut beaucoup d’argent, beaucoup pour payer les intérêts de la famille de mon adversaire. Comment je vais faire… Oh, une idée : participer à un braquage.
J’ai trouvé une équipe. Ouf ! Ça va aller. Je vais avoir beaucoup d’argent… Mon rôle c’est charger la marchandise. Heureusement je suis costaude, mais très peureuse.
Je suis dans le camion d’entretien d’espaces verts. Je rentre très discrètement par la porte de service avec Woolf. Nous allons au sous-sol. J’ai peur, je tremble. Mais il le faut, j’ai besoin de cet argent.
Ca y est, ils ont récupéré l’argent avec Giono et Moore. Il faut s’activer. Les wagons de chantier sont lourds. Nous chargeons vite les lourdes pièces. Ça n’en finit pas. Encore et encore. Vite, vite, nous allons nous faire prendre. Oh que j’ai peur ! Je pousse les wagons vers le tunnel. Les camions sont arrivés. Tous mes équipiers ont fait leur travail. Je ne m’en suis pas occupé.
Phase d’écriture 2 :
Nous sommes tous heureux de notre réussite. Allons nous rendre compte de notre trésor.
Nous descendons dans la cale. Les coffres sont remplis. Tout cet argent ! Je vais refaire une autre vie, changer de nom, m’acheter une maison, une voiture. Nous plongeons les mains dans ce coffre. J’attrape à pleines mains ces pièces. Je culpabilise mais j’en ai tellement besoin. Cela me rappelle mon enfance, quand je prenais quelques pièces dans le porte-monnaie de maman pour m’acheter des bonbons. J’ai honte. Mais je ne suis plus la même. Je dois accepter ce nouveau rôle dans cette nouvelle vie avec la peur au ventre de ne pas être retrouvée.
Bernadette
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Bilan littéraire de la séance ICI