Textes des participants | Atelier « écriture automatique » | Bressuire

Le 01 Février 2020 Les Fabulations ont invité les usagers de la médiathèque de Bressuire à intégrer la Brigade des Affaires Insolubles. Durant trois heures, ils ont endossé le rôle d’un médium et enquêté sur une affaire non résolue. Pour réussir cette mission, les animatrices ont fait appel à la technique de l’écriture automatique. Une expérience sensorielle qui a mis à rude épreuve tous les sens des participants.

Sur cette page vous trouverez le résultat de cette matinée riche en émotions. Nous vous invitons à lire le travail de nos participants et à laisser un commentaire.

Pour visionner la vidéo récapitulative de l’atelier il vous suffit de cliquer ICI

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Profil de la victime (prise de notes)

Isabelle Verrière était une espionne. Il y a très peu d’informations sur elle car elle était très discrète. Elle voyageait beaucoup entre deux missions. C’était une femme seule,indépendante, avec une grande force intérieure. Elle n’a pas eu d’enfants, pas de mari. C’était une experte en camouflage et travestissement. Sa dernière mission : s’infiltrer dans un réseau de drogue et d’alcool pour démanteler le circuit. Grâce à son charme et ses dons de travestissement, elle séduisait facilement les hommes qu’elle
rencontrait. Il lui donnait parfois des informations précieuses pour la guider dans sa mission. Elle avait à sa disposition de nombreux faux papiers pour faciliter ses enquêtes.
Elle aimait beaucoup se rendre dans les églises et cathédrales au cours de ses voyages. Sûrement pour apprécier des moments de paix et de recueillement. Elle changeait souvent de lieu d’habitation pour ne pas se faire repérer. Elle avait tout de même un
lieu où elle gardait quelques objets qui devaient être précieux à ses yeux. C’était un grenier dans une maison abandonnée. Elle y a déposé un petit coffre avec quelques affaires personnelles : une mèche de cheveux, une bague, une carte postale représentant le quartier Montmartre à Paris.

Meurtre

Une rue, très tôt, un matin d’hiver. Il fait gris, il n’y a personne. Isabelle entend juste des pas au loin. Elle se rend à la maison abandonnée. Elle porte des chaussures à talons et un long manteau chaud. Elle a couvert sa tête avec un foulard. Un caillou s’est glissé dans l’une de ses chaussures. Elle s’assoit sur un banc pour l’enlever. Sa dernière mission a été longue mais elle a réussi à donner assez d’indices pour faire tomber les principaux suspects. Elle se sent calme mais elle a hâte d’arriver. Elle sait que se rendre dans ce lieu n’est pas très prudent mais c’est plus fort qu’elle. Elle en a besoin. Un homme au loin, elle repart et n’y prête pas attention. Puis la mémoire lui revient, elle le connaît mais n’arrive pas à le situer. Elle continue son chemin d’un pas plus pressé, inquiète. Elle arrive enfin jusqu’à la maison abandonnée. L’homme la suit jusqu’au grenier. Elle le reconnaît enfin. C’est l’homme qu’elle a piégé lors de l’une de ses premières missions. Il lui lance à la figure toute la rage qu’il a contre elle. Elle tente de s’échapper. Cet homme que je connais à peine et qui revient dans ma vie comme un vieux souvenir me fait face et se met à déverser toute la rage qu’il a contre moi. Il me faisait confiance, il s’est confié à moi et je l’ai trahi. Je comprends qu’il est à bout et je me sens en danger. Je tente de m’enfuir et réussis à descendre les escaliers. Il se met à me poursuivre. Arrivée en bas de l’escalier, une des lattes du vieux parquet cède sous mon poids. Je perds l’équilibre et tombe sur
le sol. Il se jette sur moi et serre ses mains autour de mon cou. Je me débats de toutes mes forces mais il est trop fort et trop lourd pour que je puisse me dégager. Je meurs, étouffée, entre les mains de cet homme qui n’était plus qu’un lointain souvenir pour moi et dont j’avais oublié le nom… Paul Datrit.
Pour effacer toutes les traces de son meurtre, il met le feu à la maison.

Anonyme

 

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Profil de la victime (prise de notes)

Irène Delville était une personne qui vivait à Paris. Elle n’avait pas froid aux yeux et était armée pour la vie. Elle n’a pas hésité à monter à Paris très pauvre, peut être par relation avec des gens du commerce. Elle n’avait pas peur de la vie, mais très vite, elle a dû rencontrer le milieu de la prostitution. A l’époque, beaucoup n’avait pas d’éducation, pas de tabou. Il était courant de rencontrer des anarchistes, des libertins, des mafieux et bien sûr, des gens misérables sur tous points de vue. A partir de là, tout pouvait arriver. Les gens étaient livrés à eux-mêmes. Irène Delville rêvait d’une vie réussie. Elle était très douée, c’était peut-être là la problématique. Elle avait une vraie personnalité, était très moderne et sophistiquée. C’était peut-être une artiste. Le signe astrologique du lion lui permettait de vivre la vie avec audace. Elle n’était pas capable de tuer quelqu’un mais peut-être qu’elle gênait. Elle a eu une vie tragique en mourant assassinée à 21
ans. C’était le destin d’une vie assumée et pleine de rencontres. Tout cela paraît bien triste mais la vie était dangereuse à cette époque. Pourtant, fallait-il passer à côté ? Je pense qu’elle était une fille bien qui menait sa vie. Elle n’était sous l’influence de personne. C’était peut être son danger.

Meurtre

C’est un endroit approprié pour la balade. Un grand parc avec des allées, des plantations. Il est 17h, le temps est gris et règne un grand silence. Comme si le temps s’était arrêté. D’autres personnes s’y baladent sans prêter attention bien sûr. C’est comme dans un film.
Le sentiment de doute s’installe forcément en moi. C’est comme une ombre, une silhouette habillée de noir. C’est un homme bien vêtu, respectable. Peut-être un notable. La personne en face de moi est coiffé d’un chapeau, manteau noir et manifestement investi d’un devoir de faire régner la peur de manière mafieuse. L’arme de crime est un couteau. Je vois bien la lourdeur de la scène. C’est comme un non événement. C’est très curieux. La mort de quelqu’une presque quelconque. Peut-être que cette vie-là ne peut que finir comme cela, sans vieillissement, juste une vie bien remplie, juste une vie courte mais sans regret. En résumé, la vie de la victime se trouve à être un maillon de la vie qui change tous les jours, une vie à part mais choisie. Est-ce que l’on peut s’envisager autrement si ce n’est qu’en étant soumis à quelque système que ce soit ? Une vie pleine d’audace, de talent, de choix. La vie de cette époque était réservée à la loi du plus fort, de la puissance de la société qui, de guerre en guerre, éliminait tout ce qui dérangeait. Un télescopage des genres. Peut-on terminer en pensant que cette mort était son destin ? La vie peut être tout autre chose. C’est pour cela que l’énigme de qui l’a tuée est là. De toute façon, c’était bien pour éliminer une personne qui faisait de l’ombre à d’autres personnes. Depuis le début, je vois un homme, un tueur de milieu toujours avec ce chapeau et son pardessus noir. Vivre ou mourir était la vie de l’époque. C’était un fait presque banal qui était très fréquent. La victime connaissait l’auteur du crime, c’était quelqu’un de son entourage, une personne bien connue. Peut-être avaient-ils tous les deux des affinités. Finalement, c’était une vie bien ordinaire.

Anonyme

 

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L’aube blanche s’est levée. Des filets de brume sont restés accrochés au-dessus des champs et des étangs. Je marche sur le sentier qui exhale ses parfums de terre mouillée. En rejetant la fumée de ma cigarette, j’aperçois une buse en vol plané; majestueuse, elle m’observe d’en haut. Les truites que j’ai taquinées ce matin sautent dans ma besace.
Je suis léger, en harmonie avec le vert qui m’entoure, comme dans mon enfance quand j’arpentais mon territoire, connaissais chaque pierre de mon royaume, chaque moindre filet d’eau, chaque passage caché dans les haies, chaque recoin qui me servait d’abri contre d’éventuels ennemis. Tout à coup, sortant d’un buisson, un faisan bien dodu traverse le sentier devant moi. A peine surpris il piète en prenant son temps. J’aime les matins de Mars, quand les giboulées ont recraché des effluves envoûtantes, quand la faune s’éveille oubliant les mystères de la nuit. Le bocage est mon pays depuis plusieurs générations. Il parait que mon nom avait été donné à mon aïeul par Monsieur le Comte. Le père de mon père de mon père (tous métayers…) se plaisait à dormir dans le champ qu’il venait de labourer, la joue contre le sol. Il disait, parait-il, sentir la terre vibrer de bonheur. Cette légende me fascinait. Je me voyais le descendant d’un indien, qui savait
repérer le passage des bisons, en écoutant les battements de la terre. Plus banal qu’Aigle noir ou Cheval blanc, mon nom est Duchamp. Je suis arrivé au monde, comme un espoir de renouveau après les horreurs de la guerre de 14. J’arrive à la clairière lorsque au loin j’aperçois une silhouette. Elle s’avance à pas décidé vers moi. Je ne reconnais pas tout de suite le visage enfoui sous le bonnet de laine. C’est le poncho et la jupe longue qui réveillent en moi un signal d’alerte. Voilà ma chère épouse qui vient à ma rencontre. La joie liée à la surprise se dilue peu à peu pour laisser place à une crainte confuse qui s’insinue. Eléonore est loin d’être une matinale. Je m’assois sur le banc de pierre située au pied d’une statue du Christ, au carrefour des trois sentiers qui parcourent le bocage. J’adore ma femme, sa jeunesse, sa fougue, son esprit de révolte. Ses boucles sombres s’échappent du bonnet, son visage est tendu, luisant de transpiration, comme si elle avait couru. Je suis fier de lui avoir donné mon nom, bien qu’elle préfère l’asphalte de la ville à la boue de nos chemins, elle a mis dans ma vie ce petit supplément d’âme qui me manquait. Malgré ma réussite et ma fortune, je trainais ma solitude dans les rivières à truite. Lorsqu’elle lève son regard, toute la crispation de son visage disparait. Elle me sourit. Elle est venue à ma rencontre pour m’offrir un café bien chaud. Je n’arrivais pas à dormir, me dit-elle. Elle s’assoit près de moi, tire une bouteille Thermos de son sac à dos et un pot de confiture de fraises, exécuté par mes soins. Ma belle Eléonore n’est pas une femme d’intérieur. Au début, je l’imaginais vêtue d’un tablier à fleurs, prête à pétrir la pâte pour une tarte aux pommes, ou gratter les taches d’huile des frites cuites au dernier repas. Image erronée. Bien ancrée dans sa génération, elle préfère suivre les idées qui enflamment le pays, en revendiquant sa liberté sexuelle et son droit de penser. Quand elle sera mère, elle changera de point de vue, j’en suis sûr. Quand l’usine de poulets, près de chez nous, dégage des relents nauséabonds, elle distille quelques gouttes de patchouli dans son cou, et j’adore ça. Le café est fort, amer, un peu trop peut-être, la confiture ravit mes papilles. Tu sais bien que je n’aime pas le sucré, et j’ai déjà bu mon thé, me dit-elle en refusant de partager la collation. Je me penche pour l’embrasser, je sens une contraction imperceptible de son corps. Elle me tend sa joue, et très vite détourne la tête et se met à parler vite et fort. Elle me raconte le mauvais rêve qu’elle a fait cette nuit. Surpris, je lui caresse la joue et là, furtivement, j’aperçois comme une ombre de haine tordre les traits de son visage. Le regard sombre qu’elle me lance m’est étranger, je
ne le reconnais pas. Elle se reprend en poussant un soupir d’une tristesse infinie, me sourit et me demande une cigarette. Soudain le goût amer du café au fond de la gorge s’amplifie. Ma langue s’engourdit. Je n’arrive plus  à la bouger. Elle reste bout de viande morte au fond de mon palais et m’empêche de déglutir. Dans un brouillard, j’aperçois Eléonore qui range un objet dans son sac. Elle me parle, je n’entends pas. Ses lèvres maquillées bougent, je n’avais pas remarqué la teinte lie de vin de son rouge à lèvres.
J’entends la veine de mon cou qui sursaute. Je sens mon coeur se cogner contre le tissu rugueux de ma chemise. Il se débat dans sa cage. Un liquide brûlant remonte dans ma gorge, il trace un sillon sanguinolent sur son passage, je sens le goût du sang. Au creux de l’estomac, une explosion d’acide me secoue, me tord. Secoué de spasmes, je glisse sur le côté, fait tomber un objet qui doit être ma canne à pêche, j’appelle Eléonore mais aucun son ne sort, j’étouffe. L’air se sauve dès que je veux inspirer. Je vois le café s’étaler sur le sol. Eléonore a vidé le contenu du Thermos. Je ne comprends pas. Je m’accroche à mes pensées qui s’échappent, je les vois comme des formes en mouvement sur un écran blanc. Un flot de café jaillit de ma bouche, salive, sang, terre se mélangent. Je ne comprends pas. Je ne vois plus Eléonore. Où est-elle? Pourquoi ne me prend-elle pas dans ses bras? Puis tout bascule. Le visage contre terre, je sens le sol se dérober. Mes jambes s’enfoncent dans une spirale, mes mains griffent les cailloux pour ne pas tomber dans le précipice. Je hurle le prénom d’Eléonore, je hurle ce que je crois avoir compris.
J’arrive dans un énorme cylindre métallique. C’est un tunnel dont je ne vois pas l’issue. J’ai des difficultés à garder mon équilibre. Le cylindre bouge, roule sur lui-même et une lumière s’allume au bout du tunnel. J’entends une musique des années cinquante, une belle jeune femme me tend la main. Je la suis, gêné d’être trop vieux et mal vêtu et je danse. J’enlace le corps svelte de la jeune femme, c’est Eléonore. Le sol s’ouvre et nous basculons dans une salle plus vaste, au plancher bien ciré, avec des frises art déco au-dessus des colonnes qui sous-tendent un arc de pierre. Eléonore a coupé ses cheveux
comme les garçonnes de 1925. On danse le charleston. Les musiciens s’essoufflent dans leurs instruments. Je m’essouffle. Eléonore a disparu. Je meurs, ce jeudi 23 mars 1968.
Eléonore sera mon unique héritière. Le jeune professeur qu’elle a rencontré hier, lors de la grande manifestation, deviendra son compagnon.

Dominique SANDRESCHI

 

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PORTRAIT DE PETRA

Pétra est née après la guerre de parents immigrés Polonais . Elle fut une enfant solitaire, mais aussi solaire et scolaire, choyée par ses parents, fusionnelle avec une mère douce et chaleureuse, dont elle gardait toujours avec elle le foulard parfumé. Très jeune elle rencontra l’amour de sa vie, de dix ans son ainé, et de ce jour on put voir le jeune couple danser le swing dans toutes les guinguettes alentour. Pétra, toujours en robe fleurie et chapeau à plumes, se défoulait avec énergie sur les vieux parquets usés par les talons sautillant d’une jeunesse joyeuse. Et elle laissait toujours dans son sillage ce parfum de fleurs, cette fragrance subtile, cette odeur d’été, qui lui rappelait chaque seconde sa maman adorée. Pétra ne passait pas inaperçue, peau diaphane, cheveux noirs épais, lèvres carmin, sa beauté laissait une empreinte indélébile à tout qui la croisait, et il n’était pas rare d’entendre à son sujet quelques remarques guidées par la jalousie. Mais sa vie bascula l’année de ses 17 ans quand sa chère maman mourut des suites d’une longue maladie. Pétra sombra du jour au lendemain dans une tristesse sans fond, son cœur devint froid, frissonnant, sa vie ne fut plus qu’angoisse et dépression. Et un jour elle partit sans rien dire à quiconque et quitta sans préavis son jeune amant et son village, avec pour seul bagage une petite valise en cuir noir contenant ses robes fleuries, un vieux livre ayant appartenu à son père, à l’odeur du passé, quelques raisins secs rabougris , petite douceur sucrée rassurante pour le voyage, et bien sûr le foulard parfumé tant aimé.

QUI A TUE PETRA ?… LE DRAME EST ENFIN ÉLUCIDÉ…

Après 3 ans d’une vie morne, sans joie, passée dans les livres et les soirées solitaires, j’appris par hasard la mort accidentelle (un suicide en fait) de mon ancien amant, le seul homme jamais aimé dans ma vie d’avant, ma seule vie en fait, car peut-on appeler « vie » celle que je menais depuis ? Je décidai, du même coup de tête qui m’avait poussée à partir 3 ans plus tôt, de revenir sur mes pas, dans mon village, dans mon passé… et je remis dans ma valise les robes fleuries qui m’avaient fait danser, jamais portées depuis, le foulard parfumé de ma mère chérie, le vieux livre abimé de mon père, et quelques raisins secs au sucré rassurant. Arrivée dans le jardin de mon enfance heureuse, l’odeur d’avant me sauta au nez, me gifla littéralement. Et que dire des sensations qui m’assaillirent lorsque j’entrai dans la vieille bâtisse aux volets clos ? Assise sur un tabouret dans l’entrée, je caressais machinalement le vieux manteau en laine rêche de ma mère posé sur mes genoux, … maman…. et je m’abandonnais à la tristesse et à la nostalgie. J’avais l’impression de sombrer dans un puits sans fond quand j’entendis des pas crisser sur les graviers. Je reconnus immédiatement la démarche lourde et claudicante caractéristique de ma chère maîtresse d’école, adorée et tellement admirée pendant l’enfance. C’est d’elle et de mon père que me  venait le goût des livres. Au sentiment premier de joie qui m’envahit à l’idée de la revoir, se superposa immédiatement une sensation étonnante d’angoisse. Ses traits que je me rappelais si doux étaient crispés, tendus. Sa peau était blafarde et des rides de colère striaient son front moite. Une lueur inconnue et affolante émanait de ce visage désormais méconnaissable. Une odeur de peur suinta bientôt de tous mes pores, tandis qu’une autre odeur, aimée celle-là, me chatouilla les narines. Mais oui ! Elle portait un foulard de ma mère, un foulard au PARFUM de ma mère, MON parfum !! Pourquoi ?! Et pourquoi me regarde-t-elle comme ça ? Pourquoi me crache-t-elle au visage que j’ai gâché sa vie… qu’elle l’aimait, lui ! Qui lui ?! Lui… mon amant suicidé ? Elle me dit qu’il est mort de tristesse par ma faute, et qu’elle, ELLE mon institutrice, qui l’a aimé follement , n’est jamais parvenue à lui rendre le sourire, qu’il n’a plus jamais dansé depuis moi, que malgré mon parfum il ne s’est jamais… que… que… mais pourquoi sort – elle de sa vieille mallette en cuir usé un compas ? … un compas !! A l’instant je comprends tout, ma vie défile tandis que mon souffle se raréfie … je….

Claudine

 

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Un brave homme
« Bon, je suis mort et je l’ai bien mérité !
Théophile, Théo, le brave Théo, comme ils m’appellent tous.Je suis un paysan, plutôt aisé, (on ne dit jamais qu’on est riche), travailleur et gentil. Ils metrouvent serviable, aimable, toujours le sourire ou la plaisanterie aux lèvres, le gars sérieuxet sans histoire quis’occupe bien de sa famille.C’est vrai. Mais… Il n’y a pas que ça !

Je suis un bon vivant, j’aime bien manger, boire, prendre du bon temps avec ma femme. Et…Avec les autres, toutes les autres… J’ai maintenant 80 ans et le désir n’a pas disparu pour autant. Je suis encore bien vert pour un octogénaire. Je ne suis pas beau, je n’ai pas l’air d’un riche, et pourtant, j’ai toujours séduit. C’est mon côté brave et gentil, sans doute. Femmes volages ou aimantes, vite oubliées, vite remplacées.

Ma femme, Suzanne, m’a longtemps soupçonné, et elle a fini par savoir. Un bout de papier, une lettre, que j’ai eu la sottise de laisser dans ma poche. Je ne lui ai pas menti. C’est vrai, je vais en ville, je vois d’autres femmes. On s’amuse, on fait rien de mal !

Je ne pensais que Suzanne le prendrait aussi mal. Peut-être, qu’elle m’aimait, elle… Elle s’est suicidée en se jetant de la falaise. On a conclu à un accident et cela m’a bien arrangé. J’ai pu jouer au mari éploré devant nos enfants et nos connaissances.

J’étais libre !…
En fait, je me sentais aussi, malin et intelligent. Le mari parfait et accablé, d’un côté, et de
l’autre, le plaisir et les rigolades.

Sauf que… je n’avais prévu un petit détail. Moi, qui finalement, n’aime vraiment personne, je me suis entiché d’une jeunette. Lucie. Une jolie brunette de 45 ans. Je pensais à elle, jour et nuit. Ravagé, il était, le Théo !

On devait partir, liquider ma ferme, toutes mes terres pour vivre ensemble. Au soleil, sur la côte, comme elle disait. Pour la première fois de ma vie, j’étais déchiré : je veux vivre avec Lucie pour le peu de temps de temps qu’il me reste, mais je ne peux pas liquider mes terres, le bien de plusieurs générations.
Je n’peux pas !..

Bon, je reconnais, je lui promettais et je ne faisais rien. Or, elle a du caractère, ma Lucie. On s’est disputés, je lui ai même collé une gifle tellement elle m’a énervé. Tout de suite, je lui ai demandé pardon. Elle est sortie en claquant la porte. J’avais peur de la perdre. Elle avait compris que les terres faisaient partie de moi, de mon cœur, de mes tripes.

Je l’ai vu s’approcher, dans le chemin qui mène à la maison. Notre refuge habituel de
douceurs, de caresses, de plaisir. Un mauvais sourire aux lèvres, les yeux pleins de haine. J’ai compris que ça allait mal se passer.

Elle a levé un ridicule petit pistolet et elle a tiré. Sans dire un mot. Froidement, sûrement. Maintenant, je suis mort et c’est bien fait pour moi. J’étais un sale bonhomme. Dommage de s’en apercevoir trop tard !

Dominique

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Profil de la victime (prise de notes)

Gabrielle André est une femme libre qui aime la vie, une originale ouverte à vivre des expériences insolites. Curieuse, elle manque parfois de réserve, de discrétion et d’à propos. Dans sa famille, on la qualifie volontiers d’aventurière, de « risque tout ».
Elle a 20 ans et la vie lui appartient ; d’ailleurs, dans son milieu social, tout est possible en termes de « gourmandises ». Ce qui lui fait défaut, aussi, c’est la capacité à mesurer le danger dans les expériences qu’elle tente, de se protéger alors même que sa naissance la prédestinait à la méfiance (ce que sont les Capricorne). Rebelle ? En avance sur son temps ? Avide de sensations nouvelles ? Le jour du meurtre, jour de printemps 1910 (3 mai), il y a dans l’air cette ambiance qui invite à vivre une folie et à défier les événements. Gabrielle marche à pas pressés en direction de la falaise qui domine l’océan. Au dessus d’elle s’installe ce bruit effrayant, son pas devient moins sûr, elle se sent dans la peau d’une « bête traquée » et tremble de peur et de froid. Cette expérience là, elle n’en a pas peur, mais elle sent que ce qui va suivre sera fatal. Une roche plate lui permet de se poser et de ressentir cette fatalité en acceptant son coté incontournable. Qui saura que l’homme qui sort de cet engin insolite va être impliqué dans une fin ? Il échappe à tout profil connu, il vient d’ailleurs ! Dans son ultime tête à tête elle retrouve un apaisement, celui de l’acceptation que ce soit au delà de la raison.

Crime

Ce 3 mai 1910, un jour pour moi comme les autres, je décide de me rendre jusqu’à la
falaise qui domine l’océan. J’abandonne la voiture avec laquelle je suis partie et continue à pieds avec entrain. Je suis gaie, insouciante, pleine de confiance en ce jour de printemps. Alors que j’avance vers le haut de la falaise, s’épanouissent au dessus de moi des bruits stridents que j’ai du mal à identifier. Mes antennes se dressent. Que se passe-t il ? Arrive à l’appui de ces bruits une odeur qui me gêne et qui bientôt me terrorise. J’ai peur de ce qui m’entoure de manière négative et qui m’est inconnu. Néanmoins je continue ma montée, je m’assieds afin de reprendre souffle. Alors, face à moi, se profile dans le bruit aigu assourdissant, un objet en suspension. Une porte s’ouvre en glissière ; un être vêtu d’une combinaison blanche me regarde. Ses yeux lancent des étincelles. Le peu de raison qu’il me reste me laisse entrevoir une fin inéluctable. Vraisemblablement, mon meurtrier aura du mal à être identifié. A priori, lorsque mon corps aura glissé au sol, seul une autopsie permettra de déceler des traces toxiques dans mon sang, mes organes et mon système nerveux. Progressivement, face à la fatalité, une forme de paix m’envahit bien que le « meurtrier » restera impuni. Mon dernier ressenti sera celui d’une forme d’inutilité à ma mort. Morte pour rien ? Peut-être juste pour dire aux terriens que le danger peut venir d’ailleurs. Mais qui le comprendra ?

Jacqueline

 

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Le bistrot est encore fermé ce matin. Décidément, je n’ai jamais vu cette gare que dans le prisme des récits de ma mère. Ce lieu où ils se sont dit adieu, entourés des volutes de café ; avec moi, langé dans les bras de ma mère ; c’était la fin de la seconde guerre mondiale. Je me dis que je suis fou et que cette odeur d’arabica que mes narines perçoivent maintenant n’est qu’une illusion. Il est 5h27, nous sommes en 2000. Ils ne vont pas tarder sans doute. Je suis prêt.
Je décide de me rendre au bout du quai n°8. Celui que je vois chaque matin quand je
m’installe derrière la vitre du bistrot pour boire mon café. Il fait frais et le brouillard est très présent. La « Lumière de la nuit » n’en sera que plus mystérieuse et belle. Déjà quand je foule les premiers mètres du quai, j’entends leurs pas. Je savais qu’ils viendraient tous les trois bien que je n’en connaisse qu’un. Ces hommes étrangement familiers qui me haïssent et veulent ma disparition. Après tout, c’est mon existence qui est la preuve du manque d’intégrité de leur père. Du moins c’est ce qu’ils pensent car moi je sais la beauté de leur amour impossible ; l’amour coupable de Marguerite et Georges, ma mère et mon père inconnu.
Je suis sur ce quai de la gare de Lyon, à l’endroit même où ils se sont quittés pour suivre la raison, me laissant orphelin de père. Le son des balais résonne et l’agitation est encore
maigre à cette heure matinale. Je continue d’avancer. Je voudrais aller jusqu’au bout du quai.
Il fait de plus en plus froid et le brouillard s’épaissit. Le claquement de leur pas toujours
derrière moi accélère imperceptiblement. Un étrange mélange de soulagement et de tension me traverse. Mon rythme cardiaque s’accélère et mon souffle devient haletant. Je ne sais pas si c’est la peur ou l’impatience d’en finir. Un train est sur le quai d’en face, s’éveillant doucement de sa torpeur nocturne…Les sons de mon corps sont de plus en plus présents et je sens que ma vision se trouble sous l’effet de sentiments mêlés. Marguerite, où es-tu ? Tu es morte depuis longtemps mais jamais tu ne m’as quitté, ton histoire d’amour avec ce père inconnu se développant comme une obsession
en moi…
Tout à coup, le train à quai se transforme et je vois les énormes dentelles métalliques surgir du passé, le brouillard se transforme en vapeur, celle crachée par les vieilles locomotives que tu as connues maman. Maintenant je sais tout. Je connais l’identité de ton amour est c’est impardonnable. Je sais pourquoi ils sont là… Peut-être même que je les espérais, comme une preuve de ma propre existence… Un banc. Je dois m’asseoir. Trop de tourments mêlés étrangement à une joie intense de savoir, d’avoir compris et, finalement, d’être du bon côté : celui de ceux qui se sont aimés. Je m’assois et je peux ainsi les voir. Ils sont bien trois, engoncés dans leurs costumes luxueux et
dans leurs imperméables de bonne famille. Ont-ils vraiment ces chapeaux sur leur tête ou s’agit-il à nouveau d’un tour joué par mon imagination ? Ils s’arrêtent sous l’effet de mon regard, à trois mètres de moi. C’est celui que je connais qui parle. Mais avant ses mots, nous nous comprenons et savons l’issue de cette rencontre, comme le tragique d’un destin inéluctable. L’impression surprenante de soulagement est encore présente : je vais être libéré.
Quand il parle enfin et insulte ma mère, cela choque violemment l’acceptation profonde que je croyais avoir atteint et la haine semble crisper brutalement chacun de mes muscles. Il parle de ma mère comme d’une traînée des bas-fonds et son arrogance m’atteint comme un  coup de feu. C’est pourtant un poignard qui me traversera… Comme la dernière étreinte d’une fraternité qui n’aura jamais existé.

Elodie

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Je m’appelle Maude, je suis danseuse de cabaret, une vedette adulée Je me sens affligée, j’ai peur pour ma vie. Ma manière de tenir tête au directeur du cabaret va me coûter cher, je le sens. Après de nombreuses réprimandes, menaces auxquelles j’ai tenu tête, le voici à bout de nerfs et il m’en veut à mort. Le spectacle est terminé, il m’attend à la sortie de ma loge, décidé ! Il pointe alors son revolver en ma direction, son regard me  glace le sang. Je sens que ce sont mes derniers instants. Je revois en une fraction de seconde ma vie passée, mes choix, mes envies, mes contraintes, mes solitudes. J’ai peur ! Et soudain, un claquement sec, une violente douleur dans ma poitrine. Mes forces m’abandonnent, je m’écroule sur le parquet froid, seule, abandonnée. La vie, ma vie m’échappe, je perds doucement la notion du temps. La douleur inonde mon cerveau, je repense à tous ceux que j’ai connus et aimés. Le brouillard s’installe et puis plus rien ! Je suis morte.

Gabard Jean-Yves

 

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CONTEXTE

Julien Pelgrini était un homme sans histoire, nul ne le connaissait, son passé ne laissait aucune trace ni pour le service de la police ni pour autrui. Une nuit comme tant d’autres était sombre. Pour une soirée bien arrosée où un bal était donné, cocktails, repas, alcool, couronnée de musique du style charleston, jazz et flonflons. Tout le monde s’amusait oubliant le reste ! C’est au matin, à l’aurore que le corps de M. Pelgrini a été retrouvé gisant sur la mousse de l’orée de la forêt toute proche. Son corps inerte, sans vie, était laissé là ! Qui aurait pu lui en vouloir ? Un homme jaloux ? C’est au petit matin, l’heure du réveil, alors que l’on savourait le petit déjeuner que la nouvelle s’est étendue dans le salon de cet hôtel où certains dormaient encore, tout juste sortis des vapeurs de l’alcool de la veille. De toute évidence, ils étaient venus pour se divertir. Le tueur avait préparé sa scène. Au milieu de la nuit, tout le monde s’amusait. L’aurait-il attiré dehors dans un guet-apens ou suite à une discussion qui aurait mal tourné ?

MEURTRE

Un bruit vient de retentir alors la montée d’adrénaline augmente et mon cœur s’affole à la peur de ce qui va arriver ! Me veut-on du mal ? Dois-je courir ? La peur au ventre, le stress, l’angoisse se font ressentir… Dans l’obscurité, une silhouette. C’est le voisin d’en face. Je reconnais son attitude, sa démarche aux pas lourds, son visage très dur et méchant. On se rencontre, on échange un regard qui n’exprime pas la sympathie. Cela tourne à la dispute. Le ton monte. Des échanges de mots pas très catholiques fusent. Allons-nous en venir aux gifles, aux poings ? Puis arrive la finale. Ce fût rapide. Tout était prémédité. Un objet était prêt dans son blouson. En un seul geste l’échange était rapide et silencieux. Je n’ai pas eu le temps de parler qu’il avait agi en son âme et conscience. La mort était au rendez-vous et ce fût le dernier moment de ma vie. Qui aurait pu imaginer qu’un soir, allant me divertir au bal de la nuit, j’aurais rencontré la fin de ma vie, que mon destin allait m’envoyer vers la mort ? Tout beau en chemise blanche, sapé comme un ministre, à 34 ans on ne pense pas à mourir… S’éclater oui ! Mais ma vie s’est interrompue sous la pression d’un assassin qui a voulu ma peau, et je suis resté là, sans trop me défendre. Mon corps transi par la peur est resté figé, a été poignardé par cette lame tranchant mes entrailles. Mon cœur cessait de battre et mon sang perlait sur le carrelage. Je sentis mon âme et ma vie me quitter, passer dans le couloir de la mort comme un entonnoir où j’étais attiré par une lumière et j’échappais à ce monde de fous ! Serais-je au paradis ? Mon corps de glace cloué sur le sol et mon esprit libre comme un papillon montait aux anges ! Serait-ce un échappatoire ? Non c’était bien fini pour moi. Est-ce que j’allais retrouver mes défunts tout là-haut ? Ne dit-on pas que la mort est parfois plus douce que la vie ? Mais j’aurais aimé finir autrement, dans de belles conditions. La vie est un jeu d’oracles où l’on tire une carte chaque jour… Espérons que l’assassin sera puni et jugé en conséquences. Moi, je me repose.

Martine

Auteur : lesfabulations

Ateliers d'expression créative en Nouvelle-Aquitaine Structure dirigée par Marie Gréau et Mathilde Durant

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