Atelier d’écriture 4 – L’amour à distance – Médiathèque L’Alpha

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En cette période de confinement, Les Fabulations proposent aux usagers de la médiathèque d’Angoulême l’Alpha des ateliers d’écriture à distance gratuits. Chaque semaine, les écrivants reçoivent par mail un nouveau sujet d’écriture dont le thème est défini en collaboration avec l’Alpha. A la suite de cela, tous les vendredis, nous proposons une séance de lecture partagée via Skype pour faire vivre les textes des participants.  Vous pouvez vous inscrire gratuitement en contactant l’Alpha sur Facebook ou en envoyant un mail à l’adresse c.valgres@grandangouleme.fr.

Sur cette page, vous trouverez les productions des participants sur le quatrième thème de ces ateliers : L’amour à distance*. Un grand merci aux écrivants pour leur motivation, leur implication et leur créativité ! N’hésitez pas à vous plonger dans leurs histoires et à leur laisser un commentaire :).

Pour cette quatrième semaine d’écriture nous avons proposé aux participants d’explorer trois types de distance en amour* :

  • L’amour non avoué, pas encore été déclaré
  • La distance géographique
  • La distance par la mort, soit la séparation entre celui qui part, emporté par la mort et celui qui reste, encore vivant.

Et pour pimenter un peu le jeu, nous avons imposé quelques contraintes supplémentaires* :

  • Écrire un texte pour chaque type de distance
  • Écrire un des trois textes entièrement au masculin (excepté pour les personnages)(ex : Je m’étais assis sur un tabouret, accoudé au bar du port)
  • Écrire un des trois textes entièrement au féminin (excepté pour les personnages) (ex : Je m’étais assis à une table à la brasserie de la plage)
  • Une demie-page par texte soit une page et demie au total
  • Utiliser le présent (sauf pour l’éventuelle évocation de souvenirs bien sûr)

 

*Ces sujets sont des créations originales des Fabulations, ateliers d’écriture, projet représenté par les personnes morales et physiques de Marie Gréau et Mathilde Durant. Ces créations sont protégées par le droit d’auteur. Toute réutilisation ou exploitation des sujets sans l’autorisation expresse des détentrices des droits pourra faire l’objet de poursuites judiciaires.

 

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I – L’amour non avoué

 

La lettre que Sabine n’enverra jamais à Martin

Bon-jour Martin, mauvais pour moi depuis que tu es entré dans cette putain de salle. J’y vivais des jours tranquilles parmi mes collègues d’écriture. Une fois par semaine, je laissais les mots couler de ma plume.Vaille que vaille, je me sentais en paix. Je partageais des émotions avec des gens, j’appartenais à un groupe – je ne suis pas une sauvage quand même – et cela  me demandait un investissement affectif  minimum. Je mettais en partage ce que je voulais bien livrer. Tous avaient accepté que je ne participe pas à ces coutumes absurdes que sont les tapes dans le dos, les embrassades, les échanges corporels.  Je privilégiais très souvent le port de gants. Le mot psoriasis, si peu sympathique, avait suffi à établir rigoureusement la bonne distance. Je restais à la marge sans que personne s’en offusque. J’étais moi, neutre, présente et absente à la fois. Intouchable. 

Mercredi huit janvier, nous sommes installés depuis un quart d’heure. Je viens d’échapper de justesse aux embrassades de début d’année. Pas comme Tristan. Je soupçonne qu’il déteste lui aussi le contact physique.  Les cinq femmes lui ont sauté au cou. Aucune d’elles n’a remarqué sa gène, le léger retrait de son corps. Lui, il ne sait pas se protéger. Bref. Ce n’est pas mon problème. 

Tu entres. « C’est bien ici, l’atelier d’écriture ? ». Ton regard se pose sur moi. Pas par choix. Juste parce que je suis exactement assise en face de la porte. Ta voix, ton sourire. Tu me fixes une longue fraction de seconde. Tu attends une réponse qui ne vient pas. Je suis devenue muette. Subitement je plane dans un léger brouillard. Mon corps se porte subtilement vers toi sans que je soulève les fesses. Quand je reviens à moi, tu es assis parmi nous. Il y a un bruit de feuilles, de corps qui s’installent confortablement pour écrire. Machinalement je fais de même. L’atelier commence.

Depuis cet instant, c’est comme si une partie de moi s’était absentée et je ne l’ai pas récupérée. Cela fait un creux dans mon ventre, et là s’est allumé un feu persistant. Ses flammes dansent jusque dans ma poitrine, y apportant autant de joie que de peur. Quand je ferme les yeux, je reçois ton sourire en pleine tête et ta voix  chante des mots doux. Tout cela est absurde. Je suppose que c’est ce que tu penserais.  Je me sens ridicule. Situation paradoxale, je m’adresse à toi pour t’éloigner de mes pensées ! 

Et puis, merde, puisque tu ne liras jamais tout cela, je craque, Martin. Je ne suis pas capable d’avoir une relation avec un mec, pourtant je m’ imagine dans tes bras. Et j’y suis bien.  Ma tête s’indigne « toi la phobique, la malade, la folle, tu ne vas quand même pas tomber amoureuse ? ». Je crois bien que si. Tu m’as touchée du regard  et je n’ai pas dit non. 

Me reste le secret. Ne rien montrer, ne rien dire.

Aujourd’hui nous sommes mardi dix huit février. Demain nous nous retrouvons à l’atelier. Tu ne m’embrasseras pas. Tu t’assoiras à côté de moi. Je reculerai un peu ma chaise. Je porterai ostensiblement mes gants rouges, mon arme dissuasive.

Danièle

 

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Madame,

Je vous écris cette lettre que vous ne lirez jamais. Et pour cause, je n’aurai point la témérité pour vous la faire parvenir. Pourtant, elle vous est bien destinée. Car Madame, je vous aime. Mon âme pleure de taire cette passion amoureuse que je ressens pour vous. Il n’est point de places où je ne vous voie. Il n’est point d’heures ni de minutes où votre image hantât mon âme. Vous avez fait de moi, sans le savoir, votre humble victime amoureuse mais discrète, ma soumission à vos envies vous est acquise pour l’éternité. Je serai votre ombre jusqu’à ma mort. 

Je brûle d’une flamme inextinguible qui me consume lentement. Mais quelle belle mort quand il s’agit d’aimer! Je souffre, seul dans ma chambre morne, comme une bête blessée qui se vêt de solitude pour ne point être vue de la foule, honteuse de crever. Ma chair ardente, ma vie déclinante sont une douce souffrance car il est bon de mourir ainsi pour vous sans que vous n’en sachiez rien. Qu’il est bon d’aimer celle qui ne le sait pas! Il est bon de se consumer dans une passion inavouée, inavouable, incongrue, taboue. A tout prendre, je préfère cette douleur cruelle et solitaire plutôt que la vindicte populacière que vous devriez fuir. 

Cette passion est impossible et c’est bien ce que vous m’en diriez si je venais à vous, implorer la grâce de m’aimer en retour. Je ne tolérerais point de cette vérité terrible, je ne survivrais pas à vos dénégations affreuses que vous ne manqueriez pas de me jeter à la figure, honnête femme que vous êtes, refusant l’évidence de la pureté de mon affection profonde. Et les personnes dites braves, les grenouilles de bénitier dévouées à la bonne morale, la société toute entière, hypocrite et jalouse me conspueraient, me vilipendraient et me battraient à mort pour avoir osé imaginer une telle attirance, quand bien même ma démarche est sincère et pure. 

Car Madame, vous êtes ma professeure et je ne suis que votre élève.

Thierry

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Toi, humain, je te vois. Oui, je te vois, derrière tes paradoxes. Je vois le protecteur derrière le destructeur. Je vois le courageux derrière le lâche. Je vois l’aidant derrière l’indifférent. Je vois le bien qui t’étouffe derrière le mal que tu vomis. Te dire je t’aime je n’ose pas. 

Quand tu détournes ton regard pudique du mien bienveillant, craignant qu’un flot intarissable s’échappe de tes yeux par l’amour que je te porte, te dire je t’aime je n’ose pas.

Quand nous nous comprenons si fort que ce fluide invisible qui nous relie l’un à l’autre vibre dans mon ventre, consolidant l’étai qui fait mon équilibre, te dire je t’aime je n’ose pas. 

Quand je faillis et que tu viens à mon secours, secrètement, silencieusement, m’enveloppant délicatement de ton cœur molletonné pour atténuer un chagrin qui pourrait être tien, te dire je t’aime je n’ose pas.

Pourtant demain, je le voudrais si fort, à chacun d’entre nous, oser dire je t’aime.

Claire

 

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Le complexe

Un parterre isolé qu’on ne peut distinguer

Mais où pousse pourtant un buisson persistant

Qui défie les hivers et les assauts du vent

Et demeure à jamais l’espoir symbolisé.

Ce buisson, mon Amour, c’est mon cœur tout entier,

Qui jamais ne se fane dans les caprices du temps

Et qui signant ses mots d’un discret chuchotement

Parvient à vous aimer sans jamais se montrer.

Se pourrait-il qu’un jour, je n’ose l’imaginer,

Vous jetiez sur mon cas un œil entreprenant

Et qu’alors, je l’espère, malgré mes cinquante ans

Mon pathétique aspect puisse vous intéresser ?

Car vous croire amoureuse est un rêve inavoué,

Qui sera, je le sais, d’un prix exorbitant

Car il faut reconnaître que seul un accident

Pourrait forcer vos yeux à me considérer.

J’irai donc ce matin vous attendre au marché

Pour vous fixer de loin encore juste un instant,

Avant de balancer dans un dernier élan,

Sous votre véhicule ce corps qui vous aimait.

Bruno

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Aristide

Toute la journée on est ensemble, ça passe trop vite.
Même quand elle se fâche parce qu’on fait trop de bruit, elle est belle. Quand je fais des erreurs sur mon cahier, c’est pas grave, elle m’explique et je corrige. J’aime bien quand elle m’appelle Aristide le rêveur.
A la maison, je parle beaucoup de tout ce que je fais avec elle et ça m’énerve parce qu’on m’écoute pas assez bien.
Maman, elle râle un peu, elle dit : la maîtresse par ci, la maîtresse par là … elle est jalouse ou quoi, maman ?
Vendredi, à la récréation, je courais pour rattraper Alexandre, j’ai tourné la tête pour regarder ma maîtresse qui surveillait la cour, et j’ai foncé dans le marronnier. Ça tapait fort sur mon front, j’avais envie de pleurer. Elle m’a fait un câlin et une bise pour me consoler. Mes copains, ça les a fait rire, mais je m’en fiche.
Je lui réciterai mon poème mardi, quand on partira avec toute la classe passer la journée à la mer.
Maîtresse,
Tu es belle comme une rose de mon jardin,
Tu m’as appris plein de choses, grâce à toi je suis malin.
Tu vas beaucoup me manquer et j’espère que tu vas jamais m’oublier.
Aristide
Quand je pense que bientôt, c’est les grandes vacances … A la rentrée, je pourrai plus lui raconter des choses … plus jamais de ma vie. Elle me dira : Bonjour Aristide, ça va ? Elle rentrera dans sa classe et moi dans la mienne, avec ma nouvelle maîtresse, madame Brémont, qui ressemble un peu à une mamie. Je retrouverai tous mes copains, et aussi ma copine Camille.
Elle veut être mon amoureuse, c’est Alexandre qui me l’a dit …

Christiane

 

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La Belle Etoile

Le proverbe dit « quand on veut, on peut », et pourtant… je te voudrais tellement.  

Je nous imagine en vacances, riant en regardant la quantité de photos prises ; sérieux et ambitieux en planifiant notre journée de demain. 

Je nous imagine chez nous, dans un bel appartement lumineux. Nous nous chamaillerions juste pour se taquiner. Je me blottirais dans tes bras en fin de journée. Un quotidien oui, mais sans monotonie.

Je nous imagine, tout le temps, partout, ensemble. Je t’ai dans la peau. 

Tu hantes mon quotidien, et pourtant, je ne connais rien de toi. Je ne connais que tes traits fins, ton sourire et ta démarche lorsque tu sors sur le parking. Je sais également que tu as emménagé chez cette fille depuis peu, je sais donc que tu resteras un fantasme, mon fantasme.

Un jour peut-être, j’arriverais à me convaincre que tu n’existes pas. Tu n’es qu’un personnage inventé par mon esprit et mon cœur, à travers un bel homme qui n’est qu’un voisin. Un jour peut-être …

Chris

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Amélie,

Ce soir est pour moi un moment de soulagement, voici venu le temps des aveux.  Mon cœur esseulé m’autorise enfin à livrer son lourd secret. Certains soirs, lors de nos interminables bavardages,  je n’ose plus te regarder droit dans les yeux. J’ai peur que tu perçoives ce vacillement qui encombre mon regard.

Je ne sais par quels mots commencer mon message. Pour ne pas t’effrayer et risquer de te perdre, j’écris simplement ton prénom. Mon stylo reçoit l’émoi placé dans le tracé de ces symboles qui te représentent en partie. Ces gestes graphiques apaisent déjà les battements désordonnés de mon cœur lorsque je pense à toi.

Oui Amélie, je sais que tu es mariée, heureuse d’être mère. Mais tout mon être ressent combien ta relation avec ton mari n’est plus, ou n’a peut-être jamais été, je n’ai pas le droit d’en juger. Quoiqu’il en soit, tu n’as sans doute jamais imaginé, que Amélie, moi la gentille voisine, je pouvais éprouver des sentiments pour toi. J’ai toujours pris soin de laisser planer le mystère sur mes amours.

Ce message est pour moi un lâcher-prise, un besoin irrépressible de te susurrer « je t’aime » dans le creux de l’oreille. J’ai besoin de me libérer de ce frisson intense qui me fait vibrer quand ton visage apparaît dans mes pensées,  et à d’autres moments me laisse transie de l’impuissance à pouvoir te dire ces mots doux ! Mais rassure toi, je ne te demande rien. Garde ce secret au fond de ton cœur, mais parfois prends le temps d’écouter ton cœur, de t’ouvrir ainsi à toi. Et alors, peut-être que ton cœur souhaitera rejoindre le mien. 

Agathe

Anne-Lise

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II- La distance géographique

 

Caraïbes

Ta peau mate

Ta crinière longue et bouclée

Ta poitrine incurvée

Ma transpiration

 

Les tournures exotiques

De ta langue natale

Tes lèvres ouvertes

Ma timidité

 

Encore une danse

Les effluves sucrées

De ta nuque offerte

Ma tentative

 

Une nuit chaude et courte

Une déesse d’ébène

Au fond de la chambre

Ma valise

 

Des images de toi

Comme autant de flèches

Des distances infinies

Mon Âme vide

Bruno

 

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Bonjour mon Chaton !

Eh oui c’est moi ! J’imagine ton visage plein de points d’interrogation lorsque le livreur EatAtHome est venu sur ton pallier ! 

Je voulais que tu termines ce week-end en pensant à moi, et je sais que face au coup de blues du dimanche soir, rien de mieux qu’un bon petit plat exotique ! Au menu mon cher et tendre : colombo de poulet accompagné de son riz pilaf. 

J’en profite pour t’avouer quelque chose : lorsque que tu n’étais que mon voisin et que tu es venu en bon frère t’installer dans cet immeuble, je critiquais intérieurement ce que je croyais être un couple, pour ne pas cuisiner et se faire livrer des plats cuisinés !

Je veux bien cuisiner pour toi, ou mieux que l’on cuisine ensemble, mais ce sera à travers un écran pour l’instant !

En attendant, je mange le même plat que toi, mais à près de 300km de toi !

Allez, mange ça va refroidir.

Bon appétit 😊

Chris

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Paris / New-York

Bonjour à tous ! Ravie de vous retrouver sur le plateau de Psycho tendances.
Psycho Tendances, vos questions, nos réponses.
Un bref rappel du déroulement de notre émission. Un quiz est remis à nos dix participants et complété en direct. Le temps imparti est de 10 minutes. Nous vous livrons ensuite la synthèse obtenue, et nous ouvrons le débat.

Aujourd’hui :
L’amour à distance. Nous accueillons Pierre et Alice, qui ont bien voulu nous faire partager leurs questionnements. Nos participants vont établir le pourcentage de réussite de ce couple avec enfant, confronté à l’éloignement.
Notre dossier a pour titre « Paris /New-York ». Il a été préparé par notre équipe de psychologues, en collaboration avec le magazine AV. AV : l’amour vérité.

Pierre et Alice seront bientôt séparés par 5 836 kilomètres, soit 8 heures d’avion.
Alice est chroniqueuse, Pierre est consultant, ils vivent à Paris et ont une petite fille, Justine, 2 ans. Pierre vient d’obtenir un poste à New York. Il part seul le mois prochain.

Voici les 5 axes retenus :

1/ L’état des lieux du couple avant l’éloignement géographique.

2/ Le retour forcé à la vie de célibataire. Les avantages et les inconvénients, les risques et les tentations que Pierre et Alice rencontreront la semaine et le week-end.

3/ Lequel des deux vivra le mieux la situation d’éloignement ?
Pourquoi ?

4/ Quel(s) conseil(s) leur donneriez-vous pour vivre l’éloignement longue distance ?

5/ Si vous étiez vous-même confronté(e) à cette situation, comment vous organiseriez vous ?

Nos participants sont maintenant au travail. Ils sont très concentrés. Le sort de Pierre et Alice est entre leurs mains !
Nous en profitons pour vous remercier de votre fidélité, vous êtes de plus en plus nombreux à venir témoigner et participer.
Si comme Alice et Pierre, vous rencontrez une difficulté dans votre vie de couple, ne vous posez plus de questions, laissez-nous décider pour vous.
Psycho tendances,
L’assurance d’une vie réussie !

Christiane

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«  Allô, ma chérie, que fais-tu ? Tu me manques.

– Je nettoie la salle de bains.

– Dis-moi comment tu fais. J’ai besoin de t’imaginer telle que tu es maintenant.

– Et bien, je prends l’éponge. J’y étale de la lessive anti fongique spéciale dalles soumises à la moisissure. Je frotte avec la partie grattante de la microfibre pour enlever les salissures et les spores liées à l’humidité. Puis, je rince avec de l’eau claire et la partie douce de l’éponge. Pour finir, j’essuie les surfaces avec une serviette pour qu’il n’y ait pas de traces.  

– Magnifique ! Je t’imagine sensuelle, gracieuse, aérienne, prise dans ta danse ménagère. Oh, comme je t’aime !! Et comment es-tu habillée ?

– Oh, tu sais, pour cette activité ingrate, j’ai mis mes sandales de piscine, des chaussettes imperméables, une blouse usée et une charlotte sur ma tête.

– Et sous ta blouse ???

– Tu le sais bien ma raison de vivre, en ton absence, rien d’autre qu’une brassière délavée et une culotte mitée…

– Merveilleuse ! Une reine, une déesse, une image céleste ! Oh, comme je t’aime. Que feras-tu dans une heure ?

– Je vais récurer la cuisine.

– Je pourrai te rappeler, ma princesse ?

– Bien sûr. J’ai hâte. Je t’aime ! »

Claire

 

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Un, deux, trois, Amour

« Salut je suis Paul.

– Enchantée, je suis Vanessa.

– Enchanté également. Ya longtemps que vous êtes sur ce site?

– Oui, mais je n’y viens pas souvent. J’aime bien regarder les notifs de temps en temps. Je ne vis pas seule, enfin pas toujours, donc c’est pas facile… Et vous?

– Je comprends… je suis single depuis peu. Je ne voulais pas aller sur un site mais bon, faut vivre avec son temps n’est-ce pas? Vous cherchez quoi par là?

– Je viens faire mon marché.

– Ah… lol … Et comment se comporte-t-il ce marché? Vous avez souvent besoin de « produits frais »? MDR.

– En quelque sorte. Je m’ennuie beaucoup chez moi. Monsieur part souvent en voyage et quand il rentre…sans être morte de faim, j’ai souvent besoin d’un petit encas…

– N’en dites pas plus, j’ai compris… besoin de vous éclater hein?

– Oui…vraiment! Je suis en manque d’amour, physique et sentimental. Je ne ressens plus rien… Besoin de m’amuser.

– J’entends ça et c’est un peu pareil pour moi. Pas d’amour vrai alors on se rabat sur le sexe…Vous aimez ça?

– On peut le dire, oui. J’aime beaucoup ça… et vous?

– Ben, oui, comme tout le monde. Mais j’ai aussi des envies spéciales parfois. Je fantasme beaucoup. Je suis un cérébral… J’aimerais rencontrer quelqu’un en réel aussi, pas uniquement derrière un écran et quelqu’un qui me comprenne qui soit complice mais en même temps que ce soit sérieux, vous voyez ? Pas juste un soir…

– Ah oui? Racontez-moi vos fantasmes. Ça va peut-être me changer des pauvres types que je croise. J’ai besoin de quelqu’un qui sache raconter… Quant à se voir… Pourquoi pas ? Un jour qui sait ?

– Alors, je suis votre homme… c’est ma spécialité ça, raconter…à l’écran comme à la ville! A défaut d’aimer, amusons-nous!!! lol

– Oui, amusons-nous en attendant. Je vous écoute alors. Faites-moi grimper…

– Ouh la, Madame est exigeante et je vous devine coquine non?…

– Je le suis oui. Et je n’en ai pas honte d’ailleurs…

– Vous aimez les situations insolites pour faire l’amour? 

– Ouiii, j’aime bien me trouver en situation où on risque de se faire surprendre…ça vous est arrivé à vous?

– Oui, ça m’est arrivé. J’ai quelques souvenirs précis en tête…

– J’ai hâte d’en connaître la teneur… dans les moindres détails…

– Y’a qu’à d’mander m’dame! Août 2018, Côte sauvage, une plage infinie, sable brûlant, peu de monde par ici… On marche un peu pour s’isoler et poser nos affaires…

– Hmm. Ça commence bien… »

Thierry

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III- La distance par la mort

 

« Tu es mort et je ne vais pas en faire un fromage. C’est ton choix. Pas le mien. Jamais je ne t’aurai fait un coup pareil. Parce que ça ne se fait pas. On ne part pas sans préambule. Il faut un motif,  un prétexte valable. Te rends-tu compte que tu n’as rien dit ? Même pas que tu avais mal ici ou là. Le cœur, les poumons, le ventre ? Rien. Tu n’as même pas prix le temps de me reprocher mes coups de canif dans le contrat, mon mauvais caractère. Tu as filé en douce. Silencieux. Je te savais taciturne. Mais jusqu’à ce point, là, tu m’étonnes ! Je fais quoi maintenant ? Mon cœur bat trop vite. Et puis d’abord, où es-tu parti ? On parle du ciel, de l’enfer. On dit parfois que ce n’est qu’un au-revoir. Alors peut-être que tu m’attends quelque part, dis ? Tu aurais voulu que je pleure ? Je ne peux pas. Mes yeux sont secs. Parce que si je commençais, mon cœur et puis tout mon corps deviendrait fleuve, torrent. Alors je t’engueule pour pouvoir continuer le chemin. »

Danièle

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Je pleure aujourd’hui mon père disparu. Je pleure en ce jour de deuil, au pied de ton cercueil, comme tu m’as toujours fait pleurer depuis mon plus jeune âge. J’ose le dire ici devant ce par-terre qui t’accompagne pour ces ultimes moments, dans ce temple consacré, devant Dieu qui t’accueille et auquel tu croyais si fort. 

Tu aimais Dieu et tu n’aimais pas ton fils. Je le pensais mais je n’avais pas compris. J’aurais eu besoin de tout ce chemin pour admettre l’effet de ton amour pour moi. Tu l’as exprimé comme tu croyais bien de le faire, en silence. Je ne te voyais que comme un père autoritaire quand toi tu exprimais ton amour sans dévier en m’éduquant sévèrement. Tu étais strict avec moi par sacrifice, pour m’aider à grandir et être fort, pour m’aider à affronter les obstacles qui parsèmeraient plus tard mon chemin. Tu voulais que je sois fort et je le suis aujourd’hui, grâce à toi. Je ne l’avais pas compris. Tu l’as fait par amour, pour moi. 

Tu exigeais de moi un comportement exemplaire quand je n’y voyais, adolescent,  qu’empêchement et rabaissement. Mais tu savais bien, toi, qu’un parcours personnel c’est long et que ce qu’on sème dès le plus jeune âge se récolte en grandissant. Tu le répétais souvent et je ne le comprends que maintenant, c’est quand on grandit qu’on apprend et c’est quand on apprend qu’on grandit. Tu m’as aidé et soutenu tout ce temps.

Il est bien tard pour obtenir ton pardon mais si tu m’entends, quelque part, je te le demande papa, pardonne-moi. 

Oui, pardonne-moi de n’avoir pas su en retour exprimer mon amour pour toi. Pardonne-moi de t’avoir rejeté, d’avoir fermé mon esprit à tes mots et mon cœur à ton attachement.

Aujourd’hui papa je ne crains pas de le dire même s’il est trop tard. Je t’aime. Je le comprends aujourd’hui, je t’ai toujours aimé. Je porterai toujours désormais le poids de mes sentiments inexprimés. 

Regrets éternels.

Thierry

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Je les avais reliés, lui et elle, elle et lui

Ils pouvaient s’embrasser, se toucher jour et nuit

J’ai besoin de deux corps pour pouvoir m’incarner

Mais toi tu t’es pointé et t’as tout fait foirer

Putain d’virus !

T’as tellement bien bossé qu’y a pas eu d’au revoir

Tu les as arrachés, détruits de désespoir

Mais quand toi tu s’ras mort, crevé, anéanti

Moi je s’rai le plus fort et je rest’rai en vie

Putain d’virus !

 

Car après le trépas, au-delà de la mort, 

Ce qui va leur rester, ce qui sera plus fort,

Ce qui leur restera et cela pour toujours, 

Ce sera moi, moi, moi, leur éternel amour.

Claire

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Journal du 12 janvier 1919

 

On a tous un premier amour, sacrifié au firmament de l’absurde. Encensé puis cristallisé, il n’en reste souvent que les bribes d’un regret que l’on ne peut partager. Toi, mon Amour, tu fus le soleil de mes quinze ans, la flamme aiguë qui consuma mon être et hanta ma mémoire. Pour toujours.

Des années durant, j’ai voulu ignorer la cruelle vérité, entourer de déni la tragique simplicité de ta mort prématurée. Aujourd’hui le souvenir de la tuberculose, de tes mots déchirés par une toux douloureuse, résonne dans mes nuits comme autant de tambours. C’est pourquoi j’ai cherché, un peu désespéré, une personne qualifiée pour pouvoir communiquer. Une médium.

Installée discrètement au 6 rue des cyprès, la femme nimbée d’un châle m’introduit dans son antre. Des odeurs de menthe et de lointaines épices me font tourner la tête et m’aident à me calmer. Entrant dans le sujet, elle me parle de toi, dit qu’elle te sent autour mais que tu n’es pas seule. Elle entend d’autres femmes qui pleurent et qui supplient. Elle me parle de tristesse, de douleur, de détresse, et je lis dans ses yeux un début de panique. Elle voudrait m’expliquer qu’en recherchant l’amour, j’avais mené chez elle les fantômes du passé, que mon âme était noire et non pas éternelle, que je devais partir et ne jamais revenir.

Et là j’me suis jeté sur elle et j’ai étranglé cette pute de toutes mes forces. 

Je l’ai regardée crever, droit dans les yeux. C’était long, vraiment long cette fois. 

Henri Désiré Landru

Bruno

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Seul

Cela fait exactement trois mois aujourd’hui que je suis morte.
Depuis mon départ, je regarde mon mari vivre sans moi. Bientôt, je m’éloignerai, tout deviendra flou. Il faut que je profite de cette période de transition.
Ce matin, il a ouvert les volets, fait sortir le chien et, assis à la table de la cuisine, son bol de café fumant devant lui, il lit son journal. La radio est allumée. Le son est toujours aussi fort. Ça m’agaçait, ce bruit. J’avais besoin de calme, le matin. Je baissais le volume. Il me lançait un regard par-dessus ses lunettes et reprenait sa lecture. Mais, dès que je tournais les talons, il remontait le son.
Ce souvenir me fait sourire.
Il poursuit sa vie, comme avant. Les mêmes manies, le même quotidien, rien ne change pour lui. On dirait que je ne lui manque pas. Je ne sais pas comment il s’est comporté dans les derniers mois. J’étais très malade et quasi inconsciente. Venait-il souvent me rendre visite à l’hôpital ? Était-il triste ? Résigné ?
Ça n’a jamais été facile de savoir ce qu’il ressentait. Mais je ne me sentais pas seule en sa présence. Il occupait l’espace et le temps à sa manière. Je parlais comme un livre, j’étais sans cesse en mouvement. Il était calme et réservé. Cela a duré 50 ans et j’ai été très heureuse avec lui.
Il replie le journal, se lève et quitte la cuisine. Il appelle le chien, pour la promenade du matin. En se penchant pour accrocher la laisse au collier, il est parcouru de tremblements. Il reste courbé. Je m’inquiète. Puis des sanglots éclatent. C’est la première fois que je l’entends pleurer. Il gémit, ne retient pas ses larmes. Il a franchi le cap. Enfin ! Je me sens apaisée, prête à le laisser partir vers sa vie sans moi.

Christiane

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Holà ! Vous êtes bien sur la messagerie vocale d’Alicia. Je ne suis pas disponible, mais vous pouvez me laisser une annonce et je vous rappellerai ! Belle journée !

Ma belle, cette voix enjouée me manque tellement. Quand est-ce que tu vas me rappeler ? On était censés partir demain dans les Gorges du Verdon. La personne en charge de la location vient de m’appeler pour me donner les indications de route. Je suis anéanti. On ne fera pas cette sortie canyoning dont tu rêvais ? Toutes les cartes mémoires étaient prêtes à être remplies par ton envie de garder des centaines d’images de ces vacances tant attendues.

Rappelle-moi Alicia. 

Pourquoi tu mens ? Tu n’écouteras jamais ta messagerie, et ne me rappellera jamais. 

La vie est parfois trop injuste. Elle n’avait pas le droit de te prendre toi, si dynamique, qui semblait célébrer la beauté de la vie quotidiennement. Je n’arrive pas à te souhaiter bonne nuit, une trop longue nuit. Je crois sincèrement que tu étais mon âme-sœur, et qu’une relation comme celle-là, durera bien au-delà de la mort.

Je t’aimerai toujours mon étoile.

Chris

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Voilà, nous y sommes. Mon chéri, aujourd’hui je suis arrivée en Egypte. J’ai réussi à tenir ce serment que tu m’as fait faire sur ton lit de mort il y a 2 ans aujourd’hui jour pour jour. Ce voyage, souviens-toi, nous l’avions préparé depuis des mois. Je nous revois papillonnant entre les brochures d’agence de voyage, les guides en papier comme celui du Lonely Planet ou du Routard, la consultation des forums sur internet. Nous nous étions décidé pour la croisière sur le Nil, à nous Louxor, Assouan ! Et voilà, je suis maintenant allongée dans ma cabine de luxe, car tu m’avais dit « c’est notre anniversaire de mariage, je veux le plus beau pour ce moment magique », et je me souviens de ces instants qui précèdent toujours le voyage, . Ces souvenirs illuminent mon visage, je le sens, une douce chaleur détend tout mon corps, c’est mon coeur qui ne fait qu’un avec le tien mon amour. Je suis comme dans un rêve. Tu es à mes côtés, tes cheveux ébouriffés sur ton front bronzé te donnent un air charmeur qui me fait fondre, tes yeux noirs me regardent amoureusement, et moi je suis vêtue de ma robe à bretelles bleue ciel à motifs papillons achetée spécialement pour ce voyage. Nous discutons gaiement des étapes de la croisière, bien évidemment nous n’étions pas toujours d’accord sur la préparation, mais ma mémoire n’a retenu que les meilleurs moments.

Tout à coup, mon corps s’agite, semble se réveiller de ce doux moment qui m’a plongée dans la confusion absolue. Es-tu là à mes côtés ? Non bien sûr ce n’est pas possible, mon cerveau revient à l’instant présent, comme un doux rêve duquel on ne veut pas émerger, et là je recouvre la raison, je suis seule dans ma cabine, j’ai envie de pleurer. Les larmes commencent à perler de mes yeux. Mais non, je me reprends, je transforme l’horreur de t’avoir perdu au bonheur d’avoir préparé ce voyage avec toi et d’être bien là pour faire cette croisière qui maintient le lien indicible qui nous unit toujours, même par-delà la mort.

Anne-Lise

 

Auteur : lesfabulations

Ateliers d'expression créative en Nouvelle-Aquitaine Structure dirigée par Marie Gréau et Mathilde Durant

2 commentaires

  1. Je me pose toujours cette question : pourquoi les amateurs qui jouent d’un instrument avec plus ou moins de bonheur sont-ils tous des musiciens, quand ceux qui jouent de la plume ne sont jamais appelés écrivains, mais écrivants ? Sans doute la marque indélébile de Barthes, qui a le premier utilisé ce terme, mais dans un sens tout différent, il me semble. Vos écrivains (amateurs, mais quelle importance ?) se débrouillent pas mal…

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    1. Bonjour,
      Tout d’abord, merci pour votre commentaire. Nous sommes très heureuses de constater que le travail de nos participants.tes est apprécié à sa juste valeur.
      En ce qui concerne le terme d’ « écrivant·e » qui qualifie très largement les participants·tes d’un atelier d’écriture, il est effectivement inventé par Barthes dans un court texte de 1960 intitulé « Écrivains et écrivants » .
      Selon Barthes, il existe une dichotomie entre l’écrivain qui a pour but de transcender le langage pour extérioriser sa pensée et l’écrivant·e qui cherche simplement à transmettre une information par ce même langage. De nos jours, le terme a effectivement pris une acception plus large et tend à désigner une personne qui n’a pas une pratique d’écriture reconnue.
      Il est vrai que nous pourrions tout simplement désigner les participants comme des « écrivains » au sens de « ceux qui pratiquent l’écriture », cependant, nous tenons à ce terme d’ « écrivant » qui peut paraître légèrement désuet et ce pour une bonne raison. En effet, nos ateliers ont pour objectif de rendre l’écriture accessible à tous et à toutes. Il convient donc pour cela de démythifier la figure de l’écrivain touché par la grâce. Ce cliché, largement véhiculé, empêche nombre de participants de se lancer par peur de ne pas être à la hauteur. Il n’y a donc pas d’écrivains au sein de nos ateliers. Il s’agit d’un espace hors du temps et de la vie réelle dans laquelle nous sommes tous et toutes des écrivants.tes, que nous pratiquions l’écriture en dehors de l’atelier ou non. Ce terme d’écrivant pourrait être accolé à celui de « bricoleur » concept théorisé par Claude Levi-Strauss dans son ouvrage La pensée sauvage. Pour ce dernier, le « bricoleur » est à la frontière entre nature et culture. Il est membre à part entière du monde dans lequel il construit un objet avec les moyens qui sont à sa disposition. C’est en cela et avec toutes ces idées en tête que nous nous autorisons à exploiter ce terme. L’écrivant est pour nous un créateur, un bricoleur qui, le temps d’un atelier, construit avec ce qu’il est et ce que nous lui apportons modestement pour en ressortir fortifié et, pourquoi pas, s’édifier en tant qu’écrivain.
      Au plaisir de vous lire de nouveau, prenez soin de vous !
      Bien cordialement,
      Les Fabulations

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