En cette période de confinement, Les Fabulations proposent aux usagers de la médiathèque d’Angoulême l’Alpha des ateliers d’écriture à distance gratuits. Chaque semaine, les écrivants reçoivent par mail un nouveau sujet d’écriture dont le thème est défini en collaboration avec l’Alpha. A la suite de cela, tous les vendredis, nous proposons une séance de lecture partagée via Skype pour faire vivre les textes des participants. Vous pouvez vous inscrire gratuitement en contactant l’Alpha sur Facebook ou en envoyant un mail à l’adresse c.valgres@grandangouleme.fr.
Sur cette page, vous trouverez les productions des participants sur le cinquième thème de ces ateliers : Le jour d’après : utopie / dystopie*. Un grand merci aux écrivants pour leur motivation, leur implication et leur créativité ! N’hésitez pas à vous plonger dans leurs histoires et à leur laisser un commentaire :).
Pour cette cinquième semaine d’écriture nous avons proposé aux participants deux sujets distincts :
SUJET 1 : UTOPIE SCIENCE-FICTIONNELLE*
Les écrivants doivent proposer un récit utopique incluant trois éléments habituellement associés à la dystopie science-fictionnelle c’est à dire des extraterrestres, une catastrophe naturelle et des cyborgs et/ou des robots. Attention, il s’agit d’une utopie. Votre monde doit donc sembler agréable à ses habitants.
Le récit doit se dérouler dans un futur plus ou moins proche. Il doit être écrit à la troisième personne du singulier.
SUJET 2 : DYSTOPIE HISTORIQUE*
Les participants doivent présenter le monde actuel (2020) si un événement historique majeur n’avait pas eu lieu. Ils doivent choisir, parmi la liste ci-dessous, quel événement ils souhaitent traiter. Attention, il s’agit de dépeindre un monde dur et néfaste comme l’exige l’atmosphère dystopique.
Ainsi, que serait le monde contemporain…
-Si une météorite n’avait pas exterminé les dinosaures
-Si Gutenberg n’avait pas inventé l’imprimerie
-Si la Révolution Française n’avait pas eu lieu
-Si Lincoln n’avait jamais existé
-Si Marie Curie n’avait pas découvert la radioactivité
-Si les nazis avaient remporté la Seconde Guerre Mondiale
-Si le mur de Berlin n’était pas tombé
*Ces sujets sont des créations originales des Fabulations, ateliers d’écriture, projet représenté par les personnes morales et physiques de Marie Gréau et Mathilde Durant. Ces créations sont protégées par le droit d’auteur. Toute réutilisation ou exploitation des sujets sans l’autorisation expresse des détentrices des droits pourra faire l’objet de poursuites judiciaires.
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SUJET 1 : UTOPIE SCIENCE-FICTIONNELLE
Général 355
Bruno
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SUJET 2 : DYSTOPIE HISTORIQUE
Heil Bernard
Il aura fallu une de ces bombes sales sur Londres et une seconde sur Moscou. On pensait qu’il allait aider les japonais à s’occuper des américains, mais au final, Hitler s’est dit qu’il suffirait de menacer tout le monde pour s’emparer de toute la foutue planète. Et il avait vu juste. Tout le monde lui a mangé dans la main pendant plus de 30 ans, jusqu’à sa mort en 1977. Il faut dire qu’il a su faire taire les résistances. Et tout le monde a fini par s’habituer à cet état policier rigoureux et anti-culturel. On a tous appris le salut nazi et l’hymne national de Wagner. Les choses étaient simples pour ceux qui avaient survécu à la purge. Les allemands se sont débarrassé des juifs, des communistes, de la plupart des intellectuels et surtout des personnes trop colorées. Il est resté un quart de la population, des blancs incultes et soumis. Les gens trouvent toujours des raisons de se plaindre quand tout va bien, et parfois d’être heureux dans l’oppression. Mais là, c’était dur pour tout le monde, alors on se consolait en se disant que la guerre avait disparu sur la planète, que le Parti prenait soin des bons nazis, des conneries comme ça. En fait, on n’en savait rien, parce qu’Hitler contrôlait aussi l’information et qu’au final, on avait plus de référence pour se souvenir du sens du mot liberté. Quand il est mort, c’est un gars de l’ancienne France qui a pris sa place. Un type méchant et dangereux, qui avait réussi à tirer son épingle du jeu en supprimant la concurrence. Le gars s’appelle Oberführer Joël Bernard. Cette ordure doit se terrer dans son bunker à l’heure où je vous parle, alors que ces putains de vaisseaux en forme de noix de coco envahissent le ciel et libèrent ce poison dans l’atmosphère. Finalement, on a peut-être ce qu’on mérite.
Heil Bernard les gars et rendez-vous en enfer.
Bruno
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Cogito ergo sum liber
Fra Giacomo est un moine copiste. Il passe ses journées à écrire en plusieurs exemplaires ce qu’on lui dicte. Il fait partie de la longue lignée des moines qui depuis des siècles possèdent l’art scriptural. Il est dévoué par obligation au pouvoir en place, l’actuel, celui qui a vu la victoire des prêtres sécularistes à l’issue de la Grande Guerre de le Foi qui les ont opposés à la Sainte Eglise Apostolique et Romaine, il y a de cela 76 ans, une guerre atroce, une boucherie qui avait duré 24 ans. Jusqu’en 1944, l’Europe était un seul et unique état tenu par les Papes successifs et les Cardinaux qui dirigeaient d’une main de fer, au nom du Christ ressuscité, les populations occidentales, de l’extrême ouest de l’Irlande aux confins des plaines de l’Ukraine. Les religieux avaient eux-mêmes vaincu au préalable les pouvoirs monarchiques des pays européens en place lors de conflits atroces qui avaient duré environ deux cents ans. Une juste vengeance de la papauté sur les puissants monarques des Temps obscurs qui n’avaient eu de cesse que de s’accaparer son territoire, depuis la mort du Messie jusqu’en 1453, année de la chute de Constantinople, capitale de l’empire orthodoxe tombée aux mains des Ottomans, ces mécréants barbares impies. L’Église, au XVème siècle, tremblait devant le Musulman conquérant et avait eu besoin d’un nouveau Charles Martel sur ses frontières orientales. S’en étaient suivies alors des guerres de conquêtes dont ladite Église était sortie vainqueur et plus puissante que jamais.
Aujourd’hui, en ce début de XXIème siècle, les Sécularistes, les Déviants comme paraît-il les appelait le dernier Pape Urbain IV, exécuté par les nouveaux maîtres en 45, dominaient le monde et imposaient leurs lois aux peuples affamés et soumis. Ce nouveau pouvoir théocratique s’est avéré aussi cruel que le précédent sinon plus encore. Finalement, le monde n’a toujours pas changé.
Fra Giacomo n’en a cure ou du moins il fait semblant d’ignorer les souffrances des hommes. Sa vie est bien réglée. Giacomo se lève avant l’aurore, se rend au lieu de prière, puis après un déjeuner frugal il suit ses frères copistes jusqu’à la salle d’écriture et s’installe à son pupitre pour recopier les textes « sacrés » édictés par les Sécularistes. Ce nouvel ordre avait épargné les copistes et pour cause, comment diffuser la « bonne parole », les lois, les décrets si les nouveaux théocrates les avaient exterminés ? Celui qui écrit a une valeur et le Grand Prêtre autoproclamé Fra Adolfo le sait bien : le copiste est le vecteur de la propagation de la pensée juste à travers le monde. Et ce monde, figé, antique, soumis au joug des puissants qui sont les seuls à savoir lire ne connaîtra jamais de révolution ni d’émancipation tant qu’il en sera ainsi, jusqu’à la fin des temps. Pour la gloire de l’Être Suprême qui a remplacé au fil du temps celle du Christ le Sauveur aujourd’hui déchu.
Fra Giacomo, dans son for intérieur, n’est pas dupe de ce soi-disant dogme. Il a la chance d’avoir accès aux archives, dans les sous-sols du Vatican et un jour, en fouillant parmi les nombreux parchemins entassés et poussiéreux, souvent laissés à l’abandon, il est tombé sur un ensemble d’écrits dont il n’a pas compris un traître mot au début. De nature curieuse, il a pris le risque de les emporter dans sa cellule pour étudier secrètement ces documents, sachant qu’il prenait d’énormes risques. Il a mis du temps à en comprendre le sens. Cela semblait parler de sciences, un domaine qu’il est strictement interdit d’étudier sous peine de mort. On y voit la Terre, ronde, tournant autour du soleil, alors que la Loi impose la Vérité : la Terre est plate et est le centre de l’univers ! Fra Giacomo est curieux mais aussi très intelligent et ça, il ne s’en vante pas. Il a mis des années à comprendre que les recherches de ce, comment s’appelait-il déjà ? ah oui, Galiléo, que ses recherches donc prouvent des choses qui d’abord l’ont effrayé au point qu’il décide de brûler les parchemins pour reprendre une vie tranquille et sans histoire. Giacomo s’est ravisé in extremis, car les connaissances qui s’ouvrent à lui ont fait leur chemin dans son esprit et rien ne peut arrêter la lumière du savoir, quoiqu’en pensent encore les gouvernants de ce monde obscur.
Alors, Fra Giacomo, seul, en secret, a pris une décision radicale et dangereuse. Il a décidé de reproduire les textes et les schémas qu’il avait découverts pour les diffuser au plus grand nombre, sous le manteau, ou plutôt sous la robe de bure ! Cela lui a pris un temps infini et parfois il se dit qu’un jour il faudra inventer le moyen de reproduire des écrits sans avoir besoin de les recopier à longueur de temps. Mais qui aura l’audace d’inventer une telle machine ? En attendant, se disait-il, tu dois copier, copier et recopier encore. C’est pour lui un besoin irrépressible, une nécessité absolue car il sent confusément que cela sera utile à l’humanité. Il sait aussi comment faire circuler ses copies car il a entendu parler d’un réseau secret, un groupe de résistants que le pouvoir n’arrive pas à anéantir et qui tente d’éclairer les masses en luttant contre les sbires de Fra Adolfo ici, au cœur de l’Urbs, Roman. Giacomo a découvert, presque par hasard, le moyen de les contacter. A moins que ce ne soit le contraire ? L’enjeu dépasse la propre vie de Fra Giacomo, il en est conscient. Mais il sait qu’il a raison : le savoir rend libre.
Thierry