
En cette période de confinement, Les Fabulations proposent aux usagers de la médiathèque d’Angoulême l’Alpha des ateliers d’écriture à distance gratuits. Chaque semaine, les écrivants reçoivent par mail un nouveau sujet d’écriture dont le thème est défini en collaboration avec l’Alpha. A la suite de cela, tous les vendredis, nous proposons une séance de lecture partagée via Skype pour faire vivre les textes des participants. Vous pouvez vous inscrire gratuitement en contactant l’Alpha sur Facebook ou en envoyant un mail à l’adresse c.valgres@grandangouleme.fr.
Sur cette page, vous trouverez les productions des participants sur le septième thème de ces ateliers : « Si j’étais un animal »*. Un grand merci aux écrivants pour leur motivation, leur implication et leur créativité ! N’hésitez pas à vous plonger dans leurs histoires et à leur laisser un commentaire :).
SUJET :
Pour ce nouveau thème, nous avons proposé aux participants de se confronter au genre de la fable. Pour cela, nous leur avons demandé de réaliser deux fables de 30 vers chacune. *
FABLE 1 :
« Partons du fait que le mythe de Prométhée ait bien eu lieu mais qu’au lieu d’avoir le feu, l’Homme se soit vu attribué des caractéristiques animales pour se défendre (griffes, plumes, poils, ailes, etc.) Comment serait le monde aujourd’hui ? A vous d’en proposer un récit dont il sera possible de tirer une morale. »*
FABLE 2 :
« Le récit devra se dérouler en 2020. Après des mois de confinement, une ou plusieurs espèces animales ont mis en place une société parallèle tout à fait construite et régie par une organisation et des règles strictes menaçant l’équilibre et la supériorité de la société humaine. Comment se passe la rencontre avec l’Homme et quelle morale peut-on en tirer ? »*
*Ces sujets sont des créations originales des Fabulations, ateliers d’écriture, projet représenté par les personnes morales et physiques de Marie Gréau et Mathilde Durant. Ces créations sont protégées par le droit d’auteur. Toute réutilisation ou exploitation des sujets sans l’autorisation expresse des détentrices des droits pourra faire l’objet de poursuites judiciaires.
FABLE 1
Il y a dans le mythe de Prométhée,
Presque l’homonymie de celui qui promet d’aider,
Non pas un, ni deux, ni trois mais toute l’humanité.
Ce prodige, pour les hommes et les femmes, aimait plaider.
Ainsi il fouilla dans la boîte de Pandore
A la recherche d’une compétence naturelle ou d’un don.
Un larcin se commet plus aisément lorsque la vigilance dort,
Et au malhabile à qui ne profite le crime, pas de pardon.
Le meilleur cadeau, n’est ni de la beauté ni de l’argent
Mais toujours l’envie qu’on ne peut exprimer.
Quels sont les trois liquides qui composent les gens ?
L’eau, le sang et le venin. Difficile à croire et à rimer.
Pourtant, on en trouve en quantité au fond des puits,
Autant à l’intérieur de nos veines que de nos esprits.
Les coups de feu engendraient trop de bruit
Et les coups de poings restaient l’art des malappris.
Ainsi le venin coule à foison,
Qu’importe les peuples et leurs saisons.
Il connaît toutes les formes,
Ne se soucie ni des genres ni des normes.
Le poison se répand comme une traînée de poudre,
Tombe sur le coupable ou l’innocent telle la foudre.
Il n’y a pour le don du poison pas de paix,
Infectant au fil d’une aiguille ou des épées.
Et donc, si vous étiez horrifiées
A lire qu’en chacun de nous vit le mal,
Sachez que de l’épreuve, nous sortons fortifiés ;
Donc pasteur n’a pas eu besoin d’inventer le vaccin.
Parce qu’immunisée au venin, la vipère sur son sein,
Cléopâtre étendit encore longtemps son règne pyramidal.
Benoît
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Terre Omega
Nous sommes les artisans, les façonneurs de Mondes,
Peuplant les Terres arides de tant d’espèces fécondes,
Que lors de nos visites, nous sommes pris pour des Dieux.
Pour chaque environnement, pour chaque écosystème,
Nous attribuons les dons selon un théorème,
Pour que chaque animal ait des chances de survie.
Ainsi sur Terre Alpha, nous créâmes des humains
Sans d’autres qualités que la compétence d’un
Cerveau permettant de survivre aux prédateurs.
Et parallèlement sur une autre planète,
Nous avons façonné en changeant la recette,
Un humain pourvu de multiples qualités.
Il était rapide et fort, rusé et dangereux
Pouvait voler, nager et muni de dix yeux,
Percevait sans effort tout son environnement.
En presque deux mille ans et cent générations,
Il était devenu roi par disparition
Des autres animaux peuplant Terre Omega.
Si bien qu’il fut contraint pour pouvoir subsister,
De consommer la chair de sa propre lignée,
Et il s’éteint enfin sans trouver solution.
Lorsque nous nous posâmes sur cette Terre désolée,
Il était trop tard pour pouvoir réparer,
Mais nous pûmes retracer le fil de cette histoire.
Il était clair que l’Homme, de part ses qualités,
N’avait aucun besoin de créer des idées,
Et que l’intelligence lui fit bientôt défaut.
Et voilà donc comment si vous êtes scientifique,
Vous saurez qu’on évite une expérience tragique,
En dispersant les dons de ces échantillons.
Bruno
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L’homme et l’homme
Deux hommes à l’orée d’un pré se sont rencontrés,
Tous deux recouverts d’une épaisse fourrure protectrice
Ils arment afin d’assouvir leur pulsion tutrice,
Leurs puissantes mains de griffes aiguisées.
L’un d’eux poussé par la force mystique de l’instinct,
Se jeta à corps perdu sur son adversaire ,
Jusqu’à l’éveil des enfants de l’astre lunaire.
Poussés par l’appel primitif de la faim,
Leurs corps tout entiers suant
Finissaient par mêler leur sang,
C’est alors que le zéphyr renversa l’un des combattants,
Le hasard rendit son funeste jugement.
Et bientôt son souffle se perdit dans le vent.
Notre guerrier, encore tout enivré,
Porta à sa bouche le fruit défendu,
Objet de cette lutte ardue.
La ruse, vice et privilège de l’artificiel,
Prométhée gardien de l’humanité,
L’a insufflée à l’homme timorée,
Pour que l’État de nature jamais,
Ne devienne son piège mortel.
Salomé
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Comment le chien sauva le chat (et inversement)
Un chat hautain et lettré
S’aventura un jour au bord d’un ruisseau.
Tout savant qu’il était,
Le courant l’emporta.
Il ne savait point nager.
Un misérable chien passa,
Un corniaud miteux et sot,
N’ayant pour seul savoir
Que ses pattes musclées.
N’écoutant que son courage,
Il plongea et ramena la bête.
Le Moïse voulut remercier son sauveur,
Le prit en sa demeure,
De cet esprit simple fit la conquête
Et s’enticha d’en faire un sage.
Le félin trima, du matin jusqu’au soir,
A former cet ignorant cabot.
Des sciences et des lettres, lui fit le cadeau.
Au contraire de la nature
Chat et chien restèrent amis.
Le gueux devint savant,
Puis partit à l’aventure,
Offrant ce qu’il avait acquis
Aux pauvres innocents.
Ainsi du chat, fit la fierté.
Qui des deux a le plus appris?
L’arrogant chat lettré
Ou l’ignorant esprit?
On a toujours besoin des différences,
Qu’on ait la science ou l’ignorance.
Thierry
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FABLE 2
Minute papillon !
Le confinement, c’est un peu la Guerre des mondes :
L’envahisseur a été renvoyé à la maison par un virus.
Les fourmis singent les hommes : les ressources fondent.
Tous ne sont pas plus à l’abri d’un typhon que du typhus.
Légèreté, beauté, silence, fragilité,
Que des défauts pour les intelligences
Qui ne savent pratiquer que des débilités ;
Se laissant crever dans l’indigence.
Des qualités inspirant tous les poètes,
Parce que des papillons volent dans leurs têtes.
Benoît
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Les hommes et la chèvre
Une chèvre, en haut de la montagne, surplombant la vallée
Aperçut un alpiniste qui montait vers le dôme.
La chèvre vint alors à la rencontre de l’hominidé
Et lui conta dans le langage des hommes :
« Que fais-tu ici malotru, si loin de ton village »
L’homme, abasourdi, resta silencieux,
L’animal alors poursuivit son discours avec rage :
« Nous avons pu à loisir observer vos engins qui font trembler les cieux,
Nous avons pendant ce confinement conquis la planète,
Avons développé notre propre langue universelle,
Dans les abîmes de la nature secrète ».
La chèvre voulut alors embrocher notre sentinelle.
C’est à ce moment qu’il se réveilla en sursaut,
Tremblant de peur dans le silence.
Toutes les lumières de la ville se reflétèrent sur l’eau,
Et tous les hommes s’attelèrent ensemble à la tâche immense,
De construire un nouveau monde sans haine et sans violence.
La haine attire la violence,
La violence engendre des actes destructeurs,
Les hommes dans la peur se retrouvent face à leurs erreurs ,
Alors, dans un élan d’autoconservation, s’unissent face à l’adversité.
Salomé
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Ponpon 1er
Cette histoire débute de manière étonnante,
Dans une usine moderne des environs de Nantes,
Avec une fuite chimique en chaîne de production
Sur des croquettes pour chats de la marque Ron Ron.
Alors que tout le monde subissait de concert
Les contraintes harassantes d’un long confinement,
Nos amis les chats mutaient radicalement,
Se dotant de cerveaux de qualité première.
Ils décidèrent d’abord par une simple élection,
De nommer le leader de leur communauté,
Un chat gras et méchant, nommé Ponpon 1er
Qui ne tarda guère à passer à l’action.
Ils prirent d’assaut les villes et les supermarchés,
Pour vider les rayons de toute la nourriture,
Puis une fois ceci fait, regagnèrent la nature,
Et se trouvèrent un coin pour pouvoir digérer.
Quand les hommes apeurés par la menace virale,
Décidèrent de sortir pour mater les félins,
Ils pensaient simplement les chasser un par un,
Mais connurent au contraire une destinée fatale.
Car quand un chat mutant utilise sa papatte,
Et qu’il vous inocule un mortel poison,
Vous le trouvez alors légèrement moins mignon,
Et optez volontiers pour la fuite immédiate.
Ce qui fait que les hommes devant un tel danger,
Avec leurs nouveaux maîtres, durent négocier des heures,
Et accepter, contraints, la loi du dictateur,
Le chat du second tour, le roi Ponpon 1er.
Moralité
Quand une bébête à poil vous semble inoffensive,
Et ronronne tendrement assise à vos côtés,
Considérez quand même toutes les alternatives,
Un mauvais coup de griffe est si vite arrivé.
Bruno
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Où rien ne change
Les Temps arrivèrent où l’Homme, se mourant,
Rongé par un Mal acquis, invisible et funeste,
Se terrait, effrayé, fuyant la Peste,
Cédant à la Nature sa place et son rang.
Les animaux profitèrent de l’aubaine,
Conquirent montagnes et plaines.
Le chevreuil abondait,
La carpe foisonnait.
Tout n’était que paix et harmonie.
Mais à la fin sonna l’heure ou l’Homme, enhardi,
Malin et téméraire,
Survécut au carnage.
Il exigea de retrouver ses terres
Et imposa au Monde ses lois, sans ambages.
Les animaux tentèrent de négocier.
Comme ils n’avaient pas l’esprit querelleur,
Ils proposèrent à l’Homme de dispenser
Richesses et valeurs.
Que chacun ait sa juste place en ce monde nouveau
Qu’il soit grand singe ou simple pourceau.
Les palabres échouèrent,
L’Homme resta sourd au partage.
Sans plus d’égards pour les autres espèces,
Il chassa la Nature et bien davantage :
Décima, saccagea, dilapida les richesses.
Menant le monde d’une main de fer.
Ainsi est l’Homme, stupide et dérisoire,
Qui de ses péchés, de ses façons,
De son Histoire,
En oublie les leçons.
Thierry